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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/212

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Peau Rouge est une pierre couverte des feuilles de l’automne, ou il a quelque autre diablerie dans l’esprit.

— Ce serait un animal humain ! s’écria le docteur ; il ferait partie du genre homo ! je le croyais d’une espèce inconnue.

— Il est aussi humain et aussi mortel que le sont tous les guerriers de ces Prairies, dit le Trappeur. J’ai vu le temps où une Peau Rouge aurait fait une grande sottise en osant se montrer ainsi dans son embuscade aux yeux d’un certain chasseur que je pourrais nommer, mais qui est à présent trop vieux et trop près de son terme pour être autre chose qu’un misérable Trappeur. Il est pourtant à propos de lui parler et de lui apprendre qu’il a affaire à des hommes qui ont de la barbe au menton. — Holà, l’ami ! s’écria-t-il dans la langue des Dahcotahs, sortez de votre cachette ; il y a encore place sur la Prairie pour un guerrier de plus.

Les yeux parurent briller d’un nouvel éclat, mais la masse, qui, suivant l’opinion du Trappeur, n’était autre chose qu’une tête d’homme, dont les cheveux avaient été coupés suivant la coutume des guerriers de l’occident, continua à rester sans mouvement et ne donna aucun signe de vie.

— C’est une méprise ! s’écria le docteur ; l’animal n’est pas même de la classe des mammalia ; encore bien moins un homme.

— Voilà ce que c’est que vos connaissances, répondit le Trappeur en riant tout bas avec un triomphe secret, voilà ce que c’est que la science d’un homme qui a étudié tant de livres que ses yeux ne sont pas en état de distinguer un élan d’un chat sauvage. Hector, qui est là-bas, est un chien qui a reçu de l’éducation à sa manière, et, quoique le dernier enfant des habitations croie en savoir plus que lui, il ne se tromperait pas dans une affaire comme celle-ci. Puisque vous croyez que cet objet n’est pas un homme, je vais vous le faire voir tout entier, et alors vous apprendrez à un vieux Trappeur ignorant, qui n’a jamais ouvert un livre de sa vie, quel nom il faut lui donner. Songez que je n’ai pas dessein de lui faire du mal ; je veux seulement faire sortir ce diable rouge de son embuscade.

Le Trappeur se mit alors à examiner l’amorce de son fusil, ayant soin en maniant son arme de faire très-ouvertement la démonstration de ses dispositions hostiles. Lorsqu’il crut que le sauvage commençait à appréhender quelque danger, il dirigea son fusil vers lui, en s’écriant très-haut :

— Maintenant, l’ami, je suis pour la paix ou pour la guerre,