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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/245

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Le vieillard jeta un instant autour de lui un regard mélancolique, et levant ensuite les yeux sur l’Indien, il lui répondit avec une sorte de ton confidentiel :

— J’ai passé sous les arbres le printemps, l’été et l’automne de ma vie : l’hiver de mes jours est arrivé, et m’a encore trouvé où j’aimais à être, dans la paix, oui, et dans l’innocence des bois. Ainsi, Teton, je dormais paisiblement, et, à travers les branches et les feuilles des arbres, mes yeux pouvaient se lever vers la demeure du Grand-Esprit de mon peuple. Si j’avais besoin de lui ouvrir mon cœur pendant que ses feux étincelaient sur ma tête, sa porte était ouverte devant mes yeux. Mais les haches des bûcherons m’ont éveillé. Pendant longtemps mes oreilles n’entendirent plus que le bruit des arbres qui tombaient. Je supportai ce fléau comme un guerrier, comme un homme, j’avais une raison pour cela : mais quand cette raison n’exista plus, je songeai à me soustraire à ces sons maudits. C’était une forte épreuve pour mon courage et pour mes habitudes ; mais j’avais entendu parler de ces vastes plaines, et je vins ici pour échapper aux dévastations que mon peuple commettait dans les bois. Dites-moi, Dahcotah, n’ai-je pas bien fait ?

En finissant de parler, le Trappeur appuya ses longs doigts maigres sur l’épaule nue de l’Indien, semblant lui demander ses félicitations sur son courage et sur son succès, avec un sourire forcé, dans lequel les regrets se mêlaient singulièrement au triomphe. Son compagnon l’avait écouté attentivement, et il lui répondit avec le ton sentencieux de sa race :

— La tête de mon père est grise. Il a toujours vécu avec les hommes, et il a vu toutes choses. Ce qu’il fait est bien ; et ce qu’il dit est sage. Maintenant, qu’il dise s’il est bien sûr qu’il soit étranger aux Longs-Couteaux qui cherchent de tous côtés leurs animaux dans les Prairies, et qui ne peuvent les trouver ?

— Dahcotah, répondit le vieillard, ce que j’ai dit est vrai. Je vis seul, et je ne me trouve jamais avec les hommes qui ont la peau blanche, si…

Il eut la bouche fermée par une interruption aussi mortifiante qu’inattendue. Comme il parlait encore, un bruit soudain se fit entendre dans les buissons qui formaient la lisière du petit bois, et l’on en vit sortir tout à coup tous ceux qu’il y avait laissés, et en faveur desquels il faisait des efforts pour concilier son amour pour la vérité avec la nécessité de la déguiser en partie. Un si-