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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/261

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bli, et que le chef fut informé de la cause de la rumeur qui venait d’éclater parmi ses guerriers, le vieillard, qui le regardait attentivement, vit avec inquiétude la vive expression de méfiance que prenait son visage basané.

— Où est votre magicien ? demanda Mahtoree en se tournant tout à coup vers le Trappeur, comme s’il eût voulu le rendre responsable de la disparition d’Obed.

— Puis-je dire à mon frère quel est le nombre des étoiles ? Les voies d’un grand médecin ne sont pas celles des autres hommes.

— Écoutez-moi, tête grise, et comptez mes paroles, dit Mahtoree en se penchant sur la selle grossière avec presque autant de grâce que le cavalier le plus habile d’une nation civilisée, et en parlant du ton absolu d’un homme habitué au pouvoir ; ce n’est point une femme que les Dahcothas ont choisie pour chef : lorsque Mahtoree sentira l’influence d’un grand médecin, il tremblera ; jusque-là, il regardera de ses propres yeux sans emprunter ceux d’un visage pâle. Si votre magicien n’est pas avec ses amis demain au point du jour, mes jeunes guerriers iront le chercher. Vos oreilles sont ouvertes, il suffit.

Le Trappeur fut charmé d’entendre qu’un si long répit lui fût accordé. Il avait déjà eu sujet de croire que le chef teton était un de ces esprits forts qui ont franchi toutes les limites que l’usage et l’éducation fixent aux opinions de l’homme, dans tous les états de la société, et il était maintenant convaincu que, pour le tromper, il devait adopter un artifice tout différent de celui qui venait de lui réussir si bien avec les autres. Cependant la subite apparition du roc qui semblait élever sa cime nue et escarpée du milieu des ténèbres environnantes, mit fin pour le moment à la conversation, Mahtoree donnant toutes ses pensées à l’exécution de ses desseins. Un murmure de satisfaction passa de rang en rang, à mesure que chaque guerrier aperçut le but de leur course précipitée ; après quoi, tout rentra dans le silence, et l’oreille la plus exercée n’aurait pu entendre d’autre bruit que le frottement des pieds contre l’herbe très-haute de la Prairie.

Mais il n’était pas facile de mettre en défaut la vigilance d’Esther. Elle écoutait depuis longtemps avec inquiétude ces sons incertains qui approchaient de plus en plus, et le murmure soudain, quoique étouffé, que les Sioux n’avaient pu retenir à la vue du roc n’avait pas échappé à l’intrépide amazone. Les sauvages, qui avaient mis pied à terre à peu de distance, n’avaient pas encore