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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/332

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telet. Ainsi donc, si mon frère désire que ses paroles soient entendues, il faut qu’il parle avec une langue blanche.

Mahtoree éprouvait une surprise qu’il ne cherchait pas à cacher, et il semblait plongé dans de profondes réflexions. C’était bouleverser l’ordre naturel de la société ; c’était, d’après ses opinions, compromettre la dignité d’un chef, que de s’humilier ainsi devant une femme. Mais en voyant l’air imposant et réservé d’Inez, qui était loin de soupçonner le véritable motif d’une visite aussi extraordinaire, le sauvage éprouve l’influence d’un sentiment auquel il n’était pas accoutumé. Baissant la tête comme pour avouer son erreur, il recula de quelques pas, et, prenant une attitude de dignité, il commença à parler avec la confiance d’un guerrier qui n’est pas moins célèbre pour son éloquence que pour ses faits d’armes. Ses yeux restèrent constamment attachés sur la jeune épouse de Middleton pendant qu’il prononçait les paroles suivantes :

— Je suis un homme dont la peau est rouge, mais mes yeux sont noirs. Bien des neiges sont tombées depuis qu’ils se sont ouverts pour la première fois. Ils ont vu bien des choses, et ils savent distinguer un brave d’un poltron. Enfant, je ne voyais que le daim et le bison ; j’allai sur les terrains de chasse, et je vis l’ours et le couguar : ce fut ainsi que Mahtoree devint un homme. Il ne parla plus avec sa mère ; ses oreilles s’ouvrirent à la sagesse des vieillards, qui lui racontèrent tout. Ils lui parlèrent des Longs-Couteaux. Il alla sur le sentier de la guerre : il était alors le dernier, il est le premier maintenant. Quel Dahcotah oserait dire qu’il s’élancera avant Mahtoree sur les terrains de chasse des Pawnies ? Les chefs le rencontrèrent à leurs portes, et ils dirent : Mon fils n’a pas encore d’habitation à lui. Ils lui donnèrent leurs loges, ils lui donnèrent leurs richesses, ils lui donnèrent leurs filles. Alors Mahtoree devint un grand chef, comme ses pères l’avaient été ; il terrassa les guerriers de toutes les nations, et il aurait pu se choisir des femmes chez les Pawnies, les Omawhaws et les Konzas ; mais il songeait aux pays de chasse, et non a son village. Un cheval était plus de son goût qu’une fille dahcotah. Cependant il a trouvé une fleur dans la Prairie ; il l’a cueillie et il l’a apportée dans sa tente. Il oublie qu’il ne possède qu’un seul cheval, il les rend tous aux étrangers, car Mahtoree n’est pas un voleur. Il gardera seulement la fleur qu’il a trouvée sur la Prairie : ses pieds sont bien délicats ; elle ne saurait marcher jusqu’à la porte de son père ; elle restera à jamais dans la tente d’un guerrier.