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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/356

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pour lui demander qu’il leur traçât leur conduite, aucun d’eux n’osa s’opposer aux désirs d’un vieillard si respecté, dont la demande était d’ailleurs strictement conforme aux usages de la nation. Le Grand Teton lui-même attendit la fin de cette scène avec un sang-froid apparent : seulement il y avait quelquefois dans l’expression de son regard quelque chose de farouche qui trahissait la nature des sentiments avec lesquels il voyait une intervention qui allait sans doute lui arracher celle de toutes ses victimes qu’il haïssait le plus.

Pendant ce temps le Balafré, d’un pas lent et mal assuré, s’était dirigé vers les captifs. Arrivé devant Cœur-Dur, il s’arrêta et il contempla longtemps avec admiration cette taille sans défaut, ce regard immobile, ce maintien noble et fier. Faisant alors un geste d’autorité, il attendit que ses ordres fussent exécutés, et les liens qui attachaient le jeune guerrier tombèrent à l’instant. Lorsque l’intrépide Pawnie fut près de sa vue trouble et affaiblie, il se mit de nouveau à l’examiner des pieds à la tête avec l’attention la plus minutieuse.

— C’est bon, dit-il enfin lorsqu’il se fut assuré qu’il réunissait toutes les qualités d’un guerrier ; c’est bien là une panthère bondissante ! Mon fils parle-t-il avec la langue d’un Sioux ?

L’air d’intelligence qui brilla dans les yeux du captif prouva qu’il avait bien compris la question ; mais il était trop fier pour communiquer ses idées par l’intermédiaire d’une langue qui était celle de ses ennemis. Quelques guerriers qui entouraient le vieillard lui expliquèrent que le prisonnier était un Pawnie-Loup.

— Mon fils a ouvert ses yeux sur les eaux des Loups, dit le Balafré dans la langue de cette nation ; mais il les fermera sur les bords de la rivière aux Eaux-Troubles ; il est né Pawnie, mais il mourra Dahcotah. Regardez-moi ; je suis un sycomore qui ai autrefois couvert bien des guerriers de mon ombre : les feuilles sont tombées, et les branches commencent à dépérir ; cependant un seul rejeton est sorti de ses racines ; c’est une petite vigne qui s’est enlacée autour d’un arbre qui est vert. Voilà longtemps que je cherche quelqu’un qui soit digne de croître à mes côtés ; maintenant je l’ai trouvé. Le Balafré n’est plus sans fils ; son nom ne sera pas oublié quand il sera parti. Guerriers tetons, je prends ce jeune homme dans ma tente.

Personne ne fut assez hardi pour contester un droit qui avait été si souvent exercé par des guerriers bien inférieurs à celui qui