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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/37

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— La main, comme la meilleure trappe d’acier ; le coup d’œil plus rapide que la balle qui va frapper le chevreuil. Je voudrais qu’il fît encore jour, et qu’il y eût une bande ou deux de vos cygnes blancs ou de vos canards à plumes noires, qui se dirigeassent vers le midi, au-dessus de nos têtes ; Hélène ou vous, vous pourriez choisir le plus beau de la troupe, et que je sois perdu de réputation si en moins de cinq minutes l’oiseau ne tombait pas la tête la première, et cela avec une seule balle. Je méprise un fusil chargé à petit plomb, et jamais personne n’a pu dire m’en avoir vu un semblable entre les mains.

— Bien, mon garçon ! C’est un brave jeune homme, dit le Trappeur en regardant Hélène d’un air ouvert et satisfait. Je prends sur moi de déclarer que vous n’avez nullement tort de lui donner ainsi des rendez-vous. Dites-moi, mon garçon, avez-vous jamais frappé un daim, pendant qu’il était lancé, entre les andouillers ? Tout beau, Hector, tout beau, mon vieux. Le nom seul du gibier lui fait dresser l’oreille. — Avez-vous jamais pris l’animal, de cette manière, sur son long élan ?

— Autant vaudrait me demander, vieillard, si j’ai jamais mangé. Il n’y a point de manière dont un daim n’ait été abattu par ma main, si ce n’est lorsqu’il était endormi.

— Très-bien, très-bien ; vous avez une longue carrière à fournir, et une heureuse et honnête carrière, entendez-vous ? Je suis vieux, épuisé, je ne suis plus bon à rien ; mais s’il m’était donné de recommencer ma vie, et de choisir mon âge et ma demeure… je sais que ce sont de ces choses qui ne sont pas et qui ne doivent jamais être laissées à la volonté de l’homme ; mais enfin, si une pareille faveur m’était accordée, je dirais : Vingt ans et le désert ! — Mais dites-moi, comment vous défaites-vous des fourrures ?

— Des fourrures ! jamais je n’ai pris la peau d’un daim, ni arraché une plume à une oie ! Je les abats de temps en temps, il est vrai, soit pour ma nourriture, soit pour tenir mes doigts en haleine ; mais une fois la faim apaisée, j’abandonne le reste aux loups de la Prairie. Non, non, je m’en tiens à ma profession, qui me rapporte plus que toutes les fourrures que je pourrais vendre de l’autre côté de la grande rivière.

Le vieillard parut réfléchir un instant, et dit ensuite en branlant la tête, et comme s’il continuait ses réflexions :

— Je ne connais qu’une seule profession qu’on puisse exercer ici avec cet avantage…