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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/370

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gicales, que de perdre ainsi des moments précieux à me mortifier tout à la fois l’âme et le corps.

— Une Peau Rouge s’inquiète bien d’avoir un médecin pour panser ses blessures, lorsque le cri de guerre retentit à ses oreilles ! La patience est une vertu dans un Indien, et il n’y a point de quoi rougir pour un chrétien d’en montrer aussi. Regardez ces maudites mégères, ami docteur ; je ne me connais pas au caractère des sauvages, si elles n’ont pas des projets de sang, et si elles ne se préparent à s’en donner sur nous à cœur-joie. Eh bien ! tant que vous resterez sur l’âne, et que vous conserverez cet aspect intrépide qui est loin d’être votre don naturel, il est possible que la crainte que leur inspire un si grand médecin les tienne en respect. Je suis placé ici comme un général au commencement d’une bataille, et il est de mon devoir de disposer mes forces de manière à ce que chacun se trouve au poste qu’il est le plus en état de défendre. Or, si je ne me trompe, votre mine nous rendra plus de services dans ce moment que ne pourraient le faire les exploits les plus éclatants.

— Écoutez, vieux Trappeur, s’écria Paul ; dont la patience ne put supporter plus longtemps les calculs et les explications prolixes de son compagnon, si vous nous débarrassiez de deux choses que je vais vous dire ? D’abord, de votre conversation, qui a son agrément autour d’une bosse de bison bien apprêtée, mais dont nous nous passerions très-bien dans ce moment, et ensuite de ces maudites, courroies de peau, qui, d’après l’expérience que j’en ai faite, ne sont agréables nulle part. Un seul coup de votre couteau nous serait plus utile pour l’instant que le plus long discours qui ait jamais été prononcé dans une cour de justice du Kentucky.

— Ah ! oui, les cours de justice sont les heureux terrains de chasse, comme dirait une Peau Rouge, pour ceux qui n’ont pour tous dons que ceux qui consistent dans la langue. Je fus conduit un jour dans un de ces trous impurs[1], et ce n’était pour rien de plus que pour une misérable peau de daim. Que le Seigneur leur pardonne ! Ils n’en savaient pas plus long, et ils prononcèrent d’après leur faible jugement ; ainsi donc ils n’en sont que plus à plaindre. Et cependant c’était un spectacle solennel que de voir un vieillard qui avait toujours vécu en plein air, traîné sans pitié

  1. Voyez les Pionniers.