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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/411

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à lever le voile ; je regardai dans le livre, Ismaël, et j’y trouvai des paroles de consolation.

— Avez-vous ce livre sous la main, femme ? il nous donnerait peut-être un conseil dans cette triste affaire.

Esther fouilla dans ses poches et ne fut pas longtemps à en tirer les restes d’une Bible entamée qui avait été feuilletée si souvent que les caractères en étaient devenus presque indéchiffrables. C’était le seul livre qui fît partie du mobilier du squatter, et sa femme l’avait toujours conservé comme un triste souvenir de jours plus heureux et peut-être plus innocents. Depuis longtemps elle avait l’habitude d’avoir recours à la Bible, lorsqu’elle était accablée de quelque malheur au-dessus des consolations humaines, et auquel son caractère décidé et résolu ne pouvait trouver de remède. De cette manière Esther s’était fait une sorte d’allié commode de la parole de Dieu, lui demandant rarement un conseil, excepté lorsqu’elle ne pouvait se dissimuler que tous ses efforts pour détourner le fléau qui la menaçait étaient impuissants. Nous laisserons aux casuistes le soin de décider à quel point elle ressemblait en cela à bien des gens plus éclairés, et nous continuerons notre récit.

— Il y a dans ce livre de terribles passages, Ismaël, dit-elle en ouvrant le volume et en tournant lentement les feuillets ; il y en a plusieurs qui apprennent comment il faut punir.

Son mari lui fit signe de lui montrer une de ces courtes règles de conduite regardées par toutes les nations chrétiennes comme les ordres directs du Créateur, et qui sont tellement justes, que ceux mêmes qui contestent leur origine divine conviennent de leur sagesse. Ismaël écoutait avec attention, tandis que sa compagne lui lisait tous les versets qu’elle croyait applicables à leur situation. Il lui dit de lui montrer les caractères du livre saint, et il les considéra un instant avec une sorte de respect étrange. Une résolution une fois prise par un homme de ce caractère, qui ne se remuait en quelque sorte qu’avec tant de peine, est presque toujours irrévocable. Il mit sa main sur le livre, et le ferma comme pour montrer à sa femme qu’il était satisfait. Esther, qui le connaissait si bien, trembla en voyant ce geste, et, jetant un regard craintif sur sa physionomie sombre et rembrunie, elle lui dit :

— Et cependant, Ismaël, mon sang et le sang de mes enfants coulent dans ses veines ! ne peut-on lui montrer quelque miséricorde ?