Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront frayé un chemin des eaux de l’est à celles de l’ouest, et qu’ils verront qu’une main, qui, d’un seul coup, peut, si bon lui semble, mettre à nu la terre, a défriché d’avance ce pays, comme pour se jouer de leur malice ? Ils reviendront sur leurs pas comme le renard qui ruse, et l’odeur infecte produite par leur passage leur montrera toute la folie de leurs dévastations. Quoi qu’il en soit, ce sont de ces pensées qui viennent à celui qui a vu les travers de quatre-vingts saisons, mais qui ne corrigeront pas les hommes qui sont esclaves des plaisirs de leur race. Pour vous, je dois vous en avertir, vous vous trompez fort si vous croyez en être quitte avec les Indiens. Ils se disent les légitimes propriétaires de cette contrée, et il est rare qu’ils laissent à un blanc autre chose que la peau dont il est fier, lorsqu’une fois ils ont le pouvoir (car pour la volonté, elle ne leur manque jamais) de lui faire du mal.

— Vieillard ! dit le squatter d’une voix forte, de quel peuple faites-vous partie ? À votre langage, à la couleur de votre peau, on dirait que vous êtes chrétien, tandis qu’il paraît que votre cœur est pour les peaux rouges.

— À mes yeux, il y a peu de différence entre les nations : le peuple que j’aimais le plus est dispersé comme le sable du lit desséché d’une rivière que l’ouragan balaie devant lui, et la vie est trop courte pour que l’on prenne les usages et les habitudes des étrangers, comme on peut le faire quand on a passé des années entières au milieu d’un peuple. Cependant je suis un homme qui n’ai point une goutte de sang indien dans les veines, et ce qu’un guerrier doit à sa nation, je le dois aux États, qui, du reste, avec leur milice et leurs chaloupes armées, n’ont guère besoin d’un bras de quatre-vingts ans.

— Puisque vous avouez votre origine, je puis vous faire une seule question : où sont les Sioux qui ont volé mes bestiaux ?

— Où est le troupeau de buffles que nous avons vus fuir à travers la plaine, poursuivis par une panthère, pas plus tard que hier matin ? Il n’est pas plus facile…

— Ami, dit le docteur Bat, qui jusque-là avait écouté attentivement, mais qui éprouva dans ce moment une envie irrésistible de prendre part à la conversation, je suis fâché de voir qu’un venator ou chasseur de votre âge et de votre expérience suive le courant de l’erreur vulgaire. L’animal dont vous parlez est en effet de l’espèce du bos ferus, on bos sylvestris, pour me servir de