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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/116

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être plutôt par respect pour elle-même que par considération pour celui à qui elle s’adressait, attendu l’extrême simplicité de son costume, Mrs de Lacey continua la conversation.

— Ces dames, dit-elle, sont sur le point de s’embarquer sur le bâtiment que vous voyez là-bas, pour la province de la Caroline, et nous étions en discussion pour savoir de quel côté il est probable que le vent viendra ; mais sur un pareil navire, je crois qu’il importe peu que le vent soit favorable ou contraire.

— Je pense de même, car il me semble qu’on ne doit rien attendre de bon d’un tel bâtiment, de quelque côté que le vent puisse souffler.

— Il a la réputation d’être excellent voilier. Que dis-je, la réputation ! Nous sommes certaines qu’il l’est, car il est venu d’Angleterre aux colonies en sept semaines, traversée presque incroyable tant elle est courte. Mais les marins, je crois, ont leurs idées favorites et leurs préventions, comme nous autres pauvres habitans de la terre ferme. Vous n’excuserez donc si je demande aussi à cet honnête vétéran son opinion sur ce point.

— Que pensez-vous de ce bâtiment, l’ami, celui dont les mâts de perroquet sont si hauts et dont les huniers sont si remarquables ?

Les lèvres de Wilder laissèrent échapper un sourire qui luttait contre la gravité de sa physionomie ; mais il garda le silence. D’une autre part, le vieux marin se leva, et parut examiner le navire en homme qui comprenait parfaitement les termes techniques de la veuve du contre-amiral.

— Le bâtiment qui est dans le port intérieur, répondit-il après avoir fini son examen, car je suppose que c’est celui que madame veut dire, est un bâtiment tel que les yeux d’un marin aiment à en voir. C’est un bon navire et sur lequel on peut monter en toute sûreté, comme j’en ferais serment. Et quant à être bon voilier, il est possible qu’il ne soit pas sorcier, mais je réponds qu’il marche bien, ou je ne connais ni l’eau bleue, ni ceux qui vivent sur cet élément.

— Voilà une grande différence d’opinion ! s’écria Mrs de Lacey. Je suis pourtant charmée que vous assuriez qu’on peut y monter sans crainte ; car quoique les marins aiment un navire bon voilier, ces dames en préféreraient un où elles seraient certaines de ne courir aucun danger. Je présume, monsieur, continua-t-elle en s’adressant à Wilder, que vous conviendrez du moins que ce bâtiment offre toute sûreté ?