Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— En ce cas, monsieur, je suis forcée, en dépit de moi-même, de croire que vous avez quelques fortes raisons pour cacher vos motifs, répondit froidement la gouvernante contrariée, et même mortifiée. Je désire pour vous-même qu’elles n’aient rien de blâmable ; quant à ce qui nous concerne, si vos intentions étaient bonnes, je vous en remercie, et dans le cas contraire, je vous le pardonne.

Ils se séparèrent avec l’air contraint de gens qui sentent que la méfiance règne entre eux. Wilder s’appuya de nouveau contre la patte d’ancre, prenant un air fier et montrant une gravité qui pouvait même passer pour austère. Sa situation le força pourtant à entendre une conversation qui se tenait à quelques pas.

La personne qui parlait le plus, comme cela devait être en pareille occasion, était Mrs de Lacey, qui élevait souvent la voix pour donner de sages avis et émettre son opinion sur des points techniques de marine, le tout mélangé de manière à exciter l’admiration générale, mais à ne pouvoir être imité par aucune personne de son sexe, si ce n’est par celles qui auraient eu la bonne fortune singulière de partager la confiance intime d’un officier général de la marine.

— Et maintenant, ma chère nièce, dit en terminant la veuve du contre-amiral, après avoir épuisé son haleine et ses approvisionnemens de prudence, en exhortations sans nombre d’avoir soin de sa santé, de lui écrire souvent, de répéter mot pour mot à son frère le général le message particulier qu’elle lui avait donné pour lui, de ne pas rester sur le pont pendant les coups de vent, de lui rendre un compte détaillé de tout ce qu’elle pourrait avoir le bonheur de voir d’extraordinaire pendant la traversée ; en un mot, après lui avoir dit tout ce qui peut se présenter à l’esprit dans un pareil moment d’adieu, — et maintenant, ma chère nièce, je vous confie au vaste océan, — et à un être encore plus puissant, — à celui qui l’a créé. Bannissez de votre imagination le souvenir de ce que vous avez entendu dire des prétendus défauts de la Royale Caroline. Le vieux marin qui a servi sous mon cher amiral, toujours regretté, m’a assuré que tout cela n’était fondé que sur une méprise.

— Le scélérat ! le traître ! murmura Wilder.

— Qui a parlé ? dit Mrs de Lacey. Mais ne recevant pas de réponse, elle continua : — Certainement c’est une négligence coupable que de faire dépendre la sûreté du beaupré des sous-barbes