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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/174

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reuse, sinon complètement inutile. La nature étrange et audacieuse d’une telle entreprise était parfaitement d’accord avec le caractère, du flibustier déterminé, et elle ne semblait alors dépendre uniquement que de son caprice.

Rempli de cette idée et ayant sous les yeux la perspective de voir se terminer si promptement sa nouvelle autorité, il ne doit pas paraître étonnant que notre aventurier attendît le résulat de ce qui allait se passer, avec un intérêt beaucoup plus vif qu’aucun de ceux au milieu desquels il se trouvait. Il s’avança vers le vibord et chercha à deviner quel était le plan de ses confédérés secrets, d’après quelques-uns de ces indices qui sont familiers à un marin. Il ne put pourtant découvrir sur le prétendu négrier aucun signe qui annonçât l’intention de partir, ou même de changer de position. On y voyait régner un repos aussi profond, aussi admirable, mais aussi perfide que celui qu’on y avait remarqué pendant toute cette matinée si fertile en événemens. On ne pouvait apercevoir qu’un seul homme au milieu de ses cordages, de ses mâts et de ses vergues ; c’était un marin assis à l’extrémité d’une des vergues les plus basses, et qui paraissait occupé à y faire une de ces réparations qui sont si constamment nécessaires dans les agrès d’un grand navire. Ce marin étant placé sur son bâtiment du côté sous le vent, Wilder s’imagina sur-le-champ qu’il y avait été posté pour jeter un grappin dans les agrès de la Caroline, si cette mesure devenait nécessaire pour mettre en contact les deux vaisseaux. Voulant prévenir une rencontre si dangereuse, il résolut sur-le-champ de déjouer ce projet. Appelant le pilote, il lui dit que la tentative de passer du côté du vent du négrier était d’un succès très douteux, et que le plus sûr serait de voguer sous le vent.

— Ne craignez rien, capitaine, ne craignez rien, répondit l’opiniâtre conducteur du vaisseau, d’autant plus jaloux de son autorité qu’elle devait être de courte durée, et qui, comme l’usurpateur, d’un trône, prenait ombrage du pouvoir plus légitime qu’il avait momentanément dépouillé de ses droits ; ne craignez rien, capitaine, j’ai navigué dans ces parages plus souvent que vous n’avez traversé l’océan, et je connais le nom de chaque rocher qui s’y trouve, aussi bien que le crieur de la ville connaît les rues de Newport. — Lofez ! vous dis-je, lofez ! serrez le vent de plus près ! Rien ne vous empêche de lofer.

— Vous voyez que les voiles fasient déjà, monsieur, dit Wil-