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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/183

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aux dépens de trois femmes crédules, dit Mrs Wyllys en souriant. Eh bien, à présent que vous avez joui de cet amusement, j’espère que vous serez plus disposé à avoir compassion de ce qu’on dit être une infirmité naturelle l’esprit des femmes.

En finissant ces mots, elle jeta un regard sur Gertrude, avec une expression qui semblait dire qu’il serait cruel de se jouer plus long-temps des craintes d’une jeune personne si ingénue. Les yeux de Wilder suivirent ceux de la gouvernante, et lorsqu’il répondit ce fut avec un ton de sincérité fait pour porter la conviction dans l’âme de celles qui l’écoutaient.

— Je vous dirai, madame, avec la véracité qu’un homme d’honneur doit à tout votre sexe, que je persiste encore à croire tout ce que je vous ai dit.

— Quoi ! les liures du beaupré et les mâts de perroquet !

— Non, non, dit le jeune marin souriant légèrement et rougissant beaucoup, ce n’est peut-être pas tout cela. Mais ni ma mère, ni ma femme, ni ma sœur, n’auraient monté, de mon consentement, à bord de la Royale Caroline.

— Vos regards, votre ton et votre air de bonne foi sont en contradiction étrange avec vos paroles, jeune homme ; car tandis que tout votre extérieur m’invite à vous accorder ma confiance, vos discours n’ont pas une ombre de raison pour les appuyer. Peut-être devrais-je être honteuse d’une telle faiblesse, et cependant j’avouerai que la tranquillité mystérieuse qui semble régner à bord de ce bâtiment encore si près de nous a fait naître en moi une sorte de malaise inexplicable, qui peut avoir quelque rapport avec son négoce. — C’est bien certainement un négrier ?

— C’est assurément un beau navire, s’écria Gertrude.

— Très beau, dit Wilder d’un ton grave.

— Il y a sur une de ses vergues un homme qui paraît donner à son travail une grande attention, continua Mrs Wyllys en appuyant une main sur son menton d’un air pensif. Pendant tout le temps que nous étions en si grand danger de voir les deux navires se heurter, il n’a pas une seule fois jeté sur nous un regard, même à la dérobée. Il ressemble à cet individu solitaire qui se trouvait dans la ville dont les habitans avaient été métamorphosés en statues ; car il n’y a personne pour lui tenir compagnie, autant que nous puissions en juger.

— Peut-être ses compagnons dorment, dit Gertrude.