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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/369

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core faits qu’à demi à la piraterie. C’est un vilain mot, monsieur Wilder, mais je crains que nous ne le méritions. Ces drôles ont toujours soin d’avoir une petite pacotille de grâce en réserve au milieu de toute leur scélératesse.

— Ils regardent le vaisseau étranger comme s’ils voyaient de l’imprudence à le laisser approcher autant.

— Ah ! ce sont d’habiles calculateurs. Je crains qu’ils n’aient découvert l’avantage qu’il a sur nous par le nombre de ses canons ; car ils semblent doués d’une vue surnaturelle dans les affaires qui touchent leurs intérêts. Mais vous voyez qu’ils sont forts et nerveux ; et, ce qui vaut mieux, ils ont une tête qui leur apprend à mettre à profit cet avantage.

— Vous croyez qu’ils manquent de courage ?

— Hem ! il serait dangereux de l’éprouver sur quelque point qu’ils croiraient matériel. Ils ne se disputent pas sur les mots, et ils perdent rarement de vue certaines maximes moisies, qui, à ce qu’ils prétendent, viennent d’un livre que je crains que vous et moi nous n’étudions guère. Il ne leur arrive pas souvent de frapper un coup par pur esprit de chevalerie ; et, s’ils y étaient portés, les coquins ont trop de dispositions pour la logique, pour prendre, comme votre nègre, le Dauphin pour une église. Cependant, s’ils décident dans leurs fortes têtes qu’il y a lieu d’attaquer, croyez-moi, les deux canons qu’ils commandent feront un meilleur service que tout le reste de leur batterie. Mais, s’ils pensent autrement, je ne serais pas surpris qu’ils n’engageassent à ménager la poudre pour quelque meilleure occasion. De l’honneur ! ma foi, les drôles sont trop forts en polémique pour voir le point d’honneur dans un métier comme le nôtre. Mais nous bavardons sur des bagatelles, lorsqu’il est temps de penser aux choses sérieuses. Monsieur Wilder, nous allons maintenant montrer nos voiles.

Les manières du Corsaire changèrent aussi promptement que son langage. Perdant le ton de sarcasme et de légèreté qu’il avait pris, pour prendre un air plus en harmonie avec le rang qu’il occupait, il se mit à se promener seul, pendant que son lieutenant donnait les ordres nécessaires pour faire exécuter les volontés du chef. Nightingale donna le signal ordinaire, et sa voix rauque fit entendre le cri de : — Holà ! voiles partout !

Jusque alors les hommes de l’équipage du Dauphin avaient fait leurs observations sur la voile qui s’élevait si rapidement au-dessus des eaux, chacun suivant leur caractère différent. Les