Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

français, et ensuite, dans l’éloignement, sur les armes d’Angleterre ; je suppose que maître Harry a tout cela dans sa poche, en noir et en blanc ; mais tout ce que je puis dire, c’est que, quand je dois jeter des pierres, j’aimerais mieux qu’elles cassassent les vitres d’un voisin que celles de ma mère. Eh ! Guinée, marquez deux ou trois boulets de plus, mon garçon ; car s’il faut en venir aux démonstrations, je veux que le Brillant Billy soutienne sa bonne renommée.

Le Corsaire se retira pensif et muet. Il surprit alors un regard de Wilder, auquel il fit signe d’approcher.

— Monsieur Wilder, dit-il d’un ton affectueux, je comprends votre pensée. Tous ceux qui sont sur ce vaisseau ne vous ont pas également offensé, et vous préféreriez que la haine que vous portez à ce pavillon hautain se signalât d’abord sur quelque autre bâtiment. D’ailleurs, il n’y a guère que de l’honneur sans profit à recueillir dans ce combat. Par égard pour vous, je l’éviterai.

— Il est trop tard, dit Wilder en secouant tristement la tête.

— Vous reconnaîtrez votre erreur. L’épreuve peut nous coûter une bordée ; mais elle réussira. Descendez un instant auprès de vos hôtesses, et à votre retour la scène aura subi un grand changement.

Wilder descendit avec empressement dans la cabine où Mrs Wyllys s’était déjà retirée avec Gertrude, et après leur avoir fait part de l’intention de son commandant d’éviter une action, il les conduisit dans le fond du vaisseau, pour qu’elles fussent encore plus à l’abri de tout accident. Après avoir rempli ce devoir avec autant de promptitude que d’attention, notre aventurier remonta précipitamment sur le tillac.

Quoique son absence n’eût duré qu’un moment, la scène était effectivement bien changée, et toute apparence d’hostilité avait disparu. À la place des armes de France flottait le pavillon d’Angleterre sur le grand mât du Dauphin, et il se faisait un échange rapide de signaux entre les deux bâtimens. De toute cette nuée de voiles qui couvraient encore si récemment le vaisseau du Corsaire il ne restait de tendu que les huniers ; toutes les autres pendaient en festons ou se jouaient autour des vergues devant une brise favorable. Le vaisseau lui-même se dirigeait directement sur l’autre navire, qui de son côté attachait tristement ses voiles élevées, comme s’il regrettait de voir son attente déçue, et d’être privé d’une occasion qu’il cherchait avec ardeur.