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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/441

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— Regardez ! dit le Corsaire en souriant, quoique à travers ce sourire on pût distinguer quelque chose de hagard dans l’expression de sa figure ; voilà les preuves de la manière dont le Ciel protége le bon droit.

— Quoique sa justice terrible se cache pendant quelque temps dans les profondeurs d’une sagesse impénétrable, ne te trompe pas ! l’heure n’est pas éloignée où elle saura t’atteindre, et…

L’aumônier ne put continuer ; sa voix expira sur ses lèvres, car ses yeux venaient de tomber sur le cadavre inanimé de Bignall, qui n’était qu’à demi caché sous le pavillon que le Corsaire lui-même avait jeté sur le corps. Alors rassemblant toute son énergie, il ajouta, dans le langage simple et expressif qui convenait à son ministère : — On me dit que votre cœur n’est pas tout-à-fait fermé à tout sentiment d’humanité ; que de meilleurs principes y ont germé autrefois ; que la semence existe encore, et il serait possible…

— Paix ! vous parlez en vain. Remplissez votre devoir envers ces hommes, ou taisez-vous.

— Leur destin est-il irrévocable ?

— Oui !

— Qui l’a dit ? demanda une voix basse qui, frappant l’oreille du Corsaire, parut faire glisser un frisson mortel jusque dans les replis les plus secrets de son être. Mais ce mouvement de faiblesse cessa avec la surprise qui l’avait occasionné, et il répondit avec calme et presque au même instant :

— La loi !

— La loi ! répéta la gouvernante. Comment ceux qui bouleversent tout, qui méprisent toutes les institutions humaines, peuvent-ils parler de la loi. Dites, si vous le voulez, que c’est une implacable, une affreuse vengeance, mais ne profanez pas le saint nom de la loi. Je m’écarte de l’objet qui m’amène : on m’a parlé de l’horrible scène qui se prépare, et je viens vous offrir la rançon des coupables. Fixez-la vous-même ; qu’elle soit digne de celui que nous rachetons. Un père reconnaissant donnera volontiers toute sa fortune pour celui qui a sauvé son enfant.

— Si l’or peut racheter leur vie, interrompit le Corsaire avec la rapidité de la pensée, il y en a ici par monceaux, et tout prêts à donner. Qu’en disent nos gens ? Veulent-ils accepter une rançon ?

Une courte pause suivit ; puis un murmure bas et sinistre s’éleva dans une foule, indiquant la répugnance qu’elle éprouvait