Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aucune réponse ne fut faite à cette assurance encourageante, car alors l’esquif n’était qu’à quelques pieds du vaisseau. Wilder monta sur le bâtiment au milieu d’un profond silence qui lui parut avoir quelque chose de sinistre. La nuit était sombre, quoique les astres qui se montraient de distance en distance répandissent une lueur suffisante pour que l’œil exercé d’un marin pût distinguer les objets. Lorsque notre jeune aventurier se vit sur le pont, il jeta un regard rapide et scrutateur autour de lui, comme si ce premier coup d’œil devait résoudre des doutes qu’il entretenait depuis long-temps.

Un ignorant, étranger à la marine, aurait été frappé de l’ordre et de la symétrie avec laquelle les mâts s’élevaient vers les cieux, et les agrès croisaient et entouraient dans tous les sens leurs lignes sombres pour en former un labyrinthe qui semblait inextricable ; mais ce spectacle n’était pas nouveau pour Wilder. Comme tous les marins, il ne put s’empêcher, il est vrai, de commencer par jeter les yeux en haut ; mais il les abaissa bientôt pour commencer un examen plus important pour lui dans ce moment. À l’exception d’un homme, qui, quoiqu’il fût enveloppé d’un grand manteau, semblait être un officier, il ne se trouvait pas une âme vivante sur le tillac. De chaque côté était une batterie sombre et menaçante, disposée dans l’ordre imposant de l’architecture navale : mais nulle parton n’apercevait aucune trace de cette foule de matelots et de soldats qui se pressent ordinairement sur les ponts d’un vaisseau armé, et qui sont nécessaires pour servir les pièces. Peut-être étaient-ils dans leurs hamacs, comme l’heure avancée le rendait présumable ; mais néanmoins il était d’usage de laisser une partie de l’équipage pour faire le quart et veiller à la sûreté du vaisseau. Se trouvant ainsi inopinément face à face avec un seul individu, notre aventurier commença à sentir la singularité de sa position et la nécessité d’entrer en explication.

— Vous êtes sans doute surpris, monsieur, dit-il, que j’aie choisi une heure aussi avancée pour ma visite ?

— Il est certain qu’on vous attendait plus tôt, fut la réponse laconique qui lui fut adressée.

— Qu’on m’attendait ?

— Oui, qu’on vous attendait ; ne vous ai-je pas vu, vous et vos deux compagnons qui sont dans la barque, nous reconnaître pendant la moitié de la journée, tantôt des bords des quais de la