Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ruth, tout en donnant cet ordre à sa fille, ne négligeait point elle-même de remplir la même mission. Tandis que l’enfant allait à la porte extérieure, la maîtresse de la maison se rendit à l’appartement le plus bas de la forteresse, et par ses différentes ouvertures, elle examina attentivement les environs. L’ombre des arbres qui bornaient l’horizon du côté de l’ouest s’abaissait déjà sur la blanche masse de neige, et la température qui suivit le coucher du soleil annonçait l’approche d’une nuit aussi froide que l’avait été le jour. Un vent piquant qui avait amené avec lui l’air glacé des grands lacs et qui avait triomphé de la force d’un soleil d’avril, venait de cesser à la chute du jour ; le climat ressemblait alors à celui des saisons les plus douces de l’année au milieu des glaciers des Hautes-Alpes.

Ruth était trop habituée à la vue de la forêt et à cette prolongation d’hiver jusqu’aux approches de mai, pour en ressentir quelque émotion pénible. Mais l’heure était arrivée à laquelle elle attendait le retour des chasseurs. Elle espérait à chaque instant les voir sortir de la forêt, et cette attente trompée était bientôt suivie de l’inquiétude que cause un espoir déçu. L’ombre du crépuscule s’étendait peu à peu sur la vallée, et bientôt les ténèbres de la nuit lui succédèrent sans apporter aucune nouvelle des chasseurs. À ce retard, qui n’était point un événement ordinaire dans un lieu aussi isolé que Wish-ton-Wish, se joignirent plusieurs petites observations qu’on avait faites pendant la journée, et qui pouvaient causer quelques inquiétudes raisonnables. Les décharges des armes à feu avaient été entendues de bonne heure dans la matinée sur des points opposés de la montagne, et d’une manière trop distincte pour faire supposer que c’étaient des échos, preuve certaine que les chasseurs s’étaient séparés dans la forêt. Dans de semblables circonstances il n’était pas étonnant que l’imagination d’une femme, d’une mère, d’une sœur, ou de celle qui éprouvait intérieurement une tendre affection pour un des chasseurs, se représentât avec effroi les dangers auxquels ils étaient exposés.

— Je crains que la chasse ne les ait éloignés de la vallée plus qu’il n’est convenable à cette heure et dans cette saison, dit Ruth à ses servantes qui s’étaient réunies auprès d’elle dans un endroit d’où l’œil pouvait, autant que les ténèbres le permettaient, embrasser les terres découvertes qui entouraient la maison. L’homme le plus raisonnable devient distrait comme l’enfant