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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/114

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constance qui puisse jeter quelque lumière sur les incidents, ni aucune opinion qui puisse instruire le lecteur du caractère des acteurs. Afin que cette obligation soit remplie avec une précision et une clarté suffisantes, il est devenu nécessaire de faire une courte digression qui nous éloignera un instant de l’action immédiate de cette histoire.

On a déjà prouvé, par le récit lui-même, que la famille Heathcote vivait à une époque et dans un pays où des dogmes religieux particuliers et exagérés avaient une grande influence. Dans ce temps, on espérait et on proclamait ouvertement la manifestation visible de la bonté de la Providence ; il n’est donc pas étonnant qu’on crût aussi que les agents du mal exerçaient leur pouvoir d’une manière qui est un peu opposée à l’expérience de notre siècle. Comme nous n’avons aucun désir de faire dans ces pages un cours de théologie ou de controverse métaphysique, nous raconterons simplement les événements importants qui, suivant les écrivains contemporains, eurent lieu dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, à peu près à l’époque dont nous nous occupons. On sait assez que l’art de la sorcellerie, et un autre plus diabolique encore dans son origine, étaient florissants dans cette partie du monde à un degré qui était probablement en proportion de la négligence qu’on apportait à tous les autres arts.

Il y a tant de graves et respectables autorités qui prouvent l’existence de ces influences malignes, qu’il faudrait une plume plus vigoureuse que la mienne pour les attaquer sans un motif convenable. Les esprits légers, dit le savant et pieux Cotton Mather[1], docteur en théologie et membre de la société royale ; les esprits légers peuvent se moquer de ces choses, mais lorsque des centaines de personnes raisonnables, dans un pays où elles ont autant de jugement que dans le reste du monde, attestent qu’elles sont vraies, l’esprit pervers et absurde des Saducéens peut seul les contester. Contre cette grave autorité nous ne prétendons élever aucune objection de scepticisme ; nous nous soumettons au témoignage d’un tel écrivain, quoique, comme la crédulité est quelquefois bornée par des limites géographiques et possède quelque chose du caractère national, il puisse être prudent de

  1. Le docteur Cotton Mather, qui vivait jeune encore à l’époque de cette histoire, était un savant ministre de Boston, qui a laissé, entre autres ouvrages, un Traité de philosophie chrétienne et les Jugements des Sorciers. On le consultait souvent sur les cas de sorcellerie.