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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/155

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Ring ; ils passèrent ensemble la poterne, et disparurent en se dirigeant vers les granges. Ce moment fut affreux pour Ruth, et il ne fut pas sans angoisses pour ceux dont la sensibilité était moins vive et moins excitée. Quelques secondes suffirent pour dissiper cette anxiété ; Content et son compagnon reparurent. Le craquement de la neige sous les pieds des animaux, le hennissement des chevaux, le beuglement des vaches au moment où les bestiaux effrayés se précipitaient dans les champs, apprirent le but de cette sortie dangereuse.

— Entrez, dit à voix basse Ruth, qui tenait la poterne de sa propre main ; entrez, pour l’amour du ciel ! Vous avez ouvert toutes les portes, afin qu’aucune créature vivante ne périsse dans les flammes ?

— Toutes, et ce n’était pas trop tôt. Vois, le feu reparaît encore.

Content avait raison de s’applaudir de son expédition, car, tandis qu’il parlait, des torches à moitié cachées, faites, comme à l’ordinaire, de sapin résineux, furent aperçues au milieu des champs, s’approchant des bâtiments extérieurs par une route indirecte, couverte, et qui pouvait protéger ceux qui les portaient contre le feu de la garnison. Les planteurs réunirent leurs efforts pour arrêter le danger. Les jeunes gens firent feu avec une grande activité, et plus d’une fois la citadelle du vieux Puritain envoya ses flots de flammes afin de repousser les assaillants. Quelques cris de désappointement et de douleur annonçaient le succès de ces décharges ; mais bien que la plupart de ceux qui s’approchaient des granges reculassent avec effroi, un d’entre eux, plus téméraire ou plus habitué à l’artillerie que ses compagnons, vint à bout d’effectuer son dessein. Le feu avait cessé, et les assiégés se félicitaient de leur succès, lorsqu’une lumière subite éclaira les champs, une flamme blanchâtre tourbillonna au-dessus du toit d’un grenier à blé, et enveloppa bientôt tout le bâtiment. Il n’existait aucun remède à ce malheur : les granges et les enclos, qui avaient été cachés jusqu’alors dans une obscurité profonde, furent au même instant illuminés, et celui qui eût voulu hasarder sa personne dans les limites de cette lueur éclatante eût payé de sa vie sa témérité. Les planteurs furent obligés de se réfugier sous l’ombre que projetait la montagne, et de chercher l’abri que pouvaient offrir ses fortifications, afin d’éviter les flèches ou les balles.

— Quel triste spectacle pour celui dont les moissons apparte-