Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir écouté ces derniers conseils, les jeunes gens prirent congé de la famille. Cependant on voyait, au rapprochement de leurs sourcils, à leurs lèvres contractées, que ces principes de paix pourraient bien être mis en oubli, si pendant le voyage le hasard leur procurait la rencontre de quelques sauvages errants. Quelques instants plus tard on les vit traverser les champs d’un pas léger, et s’enfoncer dans la profondeur des forêts, le long du sentier qui conduisait aux villes bâties sur les rives du Connecticut.

Il restait une autre tâche à remplir. En faisant les arrangements nécessaires pour procurer un abri à la famille, on s’était d’abord approché de la forteresse. Les murs des fondements de ce bâtiment étaient encore debout, et avec le secours de charpentes à moitié brûlées, et de planches qui avaient échappé à l’incendie, il fut facile de les couvrir de manière à offrir une protection provisoire contre les intempéries de la saison. Cette construction simple et rapidement élevée, et une petite cuisine bâtie autour d’un rang de cheminées, composaient tout ce qui pouvait être fait jusqu’à ce que le temps et les secours attendus permissent de commencer d’autres bâtiments. En nettoyant les ruines de la forteresse, on rassembla religieusement les restes de ceux qui avaient péri dans le combat. Le corps du jeune homme qui était mort pendant les premières attaques fut trouvé dans la cour, à demi consumé par les flammes ; on le réunit aux ossements recueillis dans la forteresse. Il restait un triste devoir à remplir, celui de les rendre à la terre.

On choisit pour cette triste et pieuse solennité le moment où l’horizon occidental se para, suivant la belle expression de nos poètes, de cette pompe qui ouvre et termine le jour. Le soleil semblait toucher la cime des arbres, et on n’aurait pu choisir une lumière plus douce pour une semblable cérémonie. Les champs étaient encore couverts de la lueur du soleil, quoique la forêt commençât à s’envelopper des ombres de la nuit. Une large et sombre ceinture s’étendait autour des limites du bois ; çà et là un arbre solitaire jetait son ombre sur les prés sans bornes, et traçait une ligne épaisse et noirâtre sur les reflets des rayons du soleil. Une de ces ombres, image mouvante d’un immense pin, dont la sombre pyramide toujours verte s’élève à cent pieds au-dessus des humbles hêtres, s’étendait sur le penchant de l’éminence où la forteresse était placée. On voyait l’extrémité de cette