Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/203

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temps seul pouvait donner, et qui était peu ordinaire à une famille établie sur la frontière. En un mot, les matériaux dont la maison avait été construite, la main-d’œuvre des bâtiments de basse-cour, et d’autres circonstances innombrables, mais bien connues, prouvaient que tous ces édifices étaient des constructions refaites. Les champs voisins de cette habitation avaient une surface mieux nivelée que ceux qui en étaient à une grande distance ; les planches qui formaient les cloisons étaient plus légères et mieux rabotées ; les souches des arbres abattus avaient entièrement disparu, et les jardins étaient plantés d’arbres fruitiers en plein rapport. Une éminence de forme conique s’élevait à peu de distance derrière le bâtiment principal ; elle était couverte de ce bel ornement particulier à une ferme américaine, un verger régulier planté de beaux pommiers. Le temps n’avait pourtant pas encore donné toute sa beauté à cette plantation, qui ne paraissait avoir que huit à dix ans. Une tour noircie, en pierres, soutenant les ruines brûlées d’un bâtiment en bois qui avait été construit en dessus, s’élevait au-dessus des plus grands arbres, et était un souvenir suffisant de quelque scène de violence dans la courte histoire de cette vallée. On voyait aussi un petit fort près de l’habitation ; mais, d’après l’air de négligence qui régnait tout à l’entour, il était évident que ce petit ouvrage avait été construit à la hâte, et n’avait servi que temporairement. Quelques plantations de jeunes arbres fruitiers se voyaient aussi dans différentes parties de la vallée, qui commençaient à donner beaucoup d’autres preuves d’améliorations en agriculture.

Tous ces changements, produits du travail de l’homme, avaient un caractère anglais ; mais ils rappelaient l’Angleterre également dépouillée de son luxe et de sa pauvreté. Il s’y joignait une vaste étendue de terrain qui donnait à la plus humble habitation un air d’aisance et d’abondance qu’on cherche si souvent en vain autour de la demeure de l’homme comparativement riche, dans ce pays où la population est beaucoup plus nombreuse, en proportion du sol, qu’elle ne l’était alors et qu’elle ne l’est encore à présent dans les régions dont nous parlons.