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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/224

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l’affliction d’une mère, sans quoi tu aurais écouté avec plus de complaisance le plan d’un voyage qui ne serait pas bien long, pour savoir si la jeune fille dont le marchand a parlé est celle que la famille a perdue ou l’enfant de quelque étranger.

Quoique Foi s’exprimât avec dépit, elle y mêlait de la sensibilité ; son œil noir était humide, et les couleurs de sa joue brune devenaient plus vives. Son compagnon trouva donc de nouvelles raisons pour oublier son mécontentement, qui fit place à un sentiment de compassion ; car son cœur, quoique peu facile à émouvoir, n’était jamais entièrement fermé à la pitié.

— Si un voyage de quelques centaines de milles est tout ce que tu me demandes, Foi, répondit-il d’un ton amical, pourquoi me parler en paraboles ? il ne fallait qu’un mot pour m’y décider. Nous serons mariés le jour du sabbat prochain, et, s’il plaît au ciel, le mercredi ou le samedi suivant au plus tard, je prendrai le chemin indiqué par le marchand.

— C’est trop de délai, il faut que tu partes demain au soleil levant. Plus tu mettras d’activité dans ce voyage, plus tôt tu auras le pouvoir de me faire repentir d’une folie.

Foi se laissa pourtant persuader de se relâcher de cette sévérité. Ils furent mariés le dimanche ; et dès le lendemain Content et Dudley quittèrent la vallée pour aller chercher la tribu éloignée où la violence avait transplanté le rejeton d’une autre race.

Nous n’entrerons pas dans le détail des dangers qu’ils coururent et des privations qu’ils eurent à supporter dans une telle expédition. Ils traversèrent l’Hudson, la Delaware et le Susquehannah, rivière que les habitants de la Nouvelle-Angleterre ne connaissaient presque encore que de nom ; et, après un voyage pénible et hasardeux, ils arrivèrent au premier de ces petits lacs intérieurs dont les bords sont maintenant embellis par tant de fermes et de villages. Là, au milieu de tribus sauvages, exposé à des périls de toute espèce, et uniquement soutenu par la présence d’un compagnon que les fatigues et les dangers ne pouvaient aisément rebuter, Content commença à chercher sa fille avec le plus grand soin.

Enfin il se trouva une peuplade parmi laquelle vivait une jeune captive qui répondit à la description que le marchand en avait faite. Combien fut ému Content en approchant du village qui contenait cette descendante d’une race blanche ! Il n’avait pas caché le motif de son voyage, et le caractère sacré sous lequel il