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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/235

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ment de tes moutons et du mugissement de tes bestiaux dans les pâturages ? Tu te rappelles le son de leurs clochettes, quand ils paissaient le soir dans le taillis de deux ans ?

L’ancien berger tourna la tête, et eut l’air d’écouter avec la même attention qu’un chien qui entend le bruit des pas de quelqu’un qui approche ; mais le souvenir qui semblait l’occuper ne fut qu’un éclair, et l’instant d’après il ne songea plus qu’à une affaire plus importante, et peut-être plus urgente, celle d’apaiser sa faim.

— Tu as donc perdu l’usage des oreilles ? continua sa sœur, sans quoi tu ne dirais pas que tu as oublié le son des clochettes.

— As-tu jamais entendu un loup hurler ? Voilà un son pour un chasseur ! J’ai vu le grand-chef percer la panthère rayée, quand le plus brave guerrier de la tribu devenait blanc comme un lâche visage pâle en voyant les bonds qu’elle faisait.

— Ne me parle ni de tes bêtes féroces ni de ton grand-chef ; rappelons-nous plutôt le temps où nous étions jeunes, et où tu trouvais du plaisir aux jeux de l’enfance des chrétiens. As-tu oublié, Whittal, comme nous allions jouer sur la neige, quand notre mère nous permettait d’employer ainsi nos moments de loisir ?

— Nipset a une mère qui est dans son Wigwam, mais il ne lui demande pas sa permission pour aller à la chasse. Nipset est homme, et aux neiges prochaines ce sera un guerrier.

— Pauvre insensé ! C’est la perfidie des sauvages qui a chargé ta faiblesse des fers de leur astuce. Ta mère était une chrétienne, Whittal, une femme blanche, une bonne mère, qui gémissait de ton peu d’intelligence. Ne te souviens-tu pas, ingrat que tu es, des soins qu’elle prenait de toi dans ton enfance, dans tes maladies ? de la manière dont elle fournissait à tous tes besoins ? Qui te nourrissait quand tu avais faim ? Qui avait compassion de ta faiblesse d’esprit, quand les autres ne faisaient que la mépriser ou en rire ?

Whittal regarda un instant les traits animés de sa sœur, comme si un faible souvenir du passé se fût présenté à son esprit ; mais les sensations purement animales l’emportèrent bien vite, et il se remit à manger.

— C’est plus que la patience humaine ne peut endurer ! s’écria Foi. Regarde-moi, pauvre créature, et dis-moi si tu reconnais celle qui a remplacé pour toi la mère dont tu ne veux pas te