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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/260

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appela la congrégation au service divin. Chacun obéit promptement à ce signal ; et, avant que les premiers sons fussent répétés par les échos des montagnes, la rue large et gazonnée fut remplie des groupes des différentes familles, tous prenant la même direction. À la tête de chacun marchait le chef de la famille, au maintien sévère. Quelquefois il portait dans ses bras un enfant au berceau ou quelque autre trop jeune encore pour se soutenir. À une distance convenable on voyait la grave matrone jetant des regards obliques et sévères sur la petite troupe qui l’entourait ; ayant, par habitude, encore quelques conquêtes à faire sur les impulsions légères de la vanité. Lorsqu’il n’y avait point d’enfants à porter, ou lorsque la mère jugeait à propos de remplir elle-même ce devoir, le mari se chargeait d’un des lourds fusils de l’époque ; et quand ses bras étaient différemment occupés, le plus vigoureux de ses fils lui servait de porte-armure. Dans aucune circonstance cette utile précaution n’était négligée ; l’état de la province et le caractère de l’ennemi exigeaient que cette vigilance se mêlât jusque dans les pratiques religieuses. Il n’y avait point de traînards sur la route, et l’on n’y prononçait aucune parole légère. On ne se saluait qu’en ôtant le chapeau ou par un regard grave et sérieux ; c’était tout ce que l’usage accordait à la politesse le jour du sabbat.

Lorsque la cloche changea de son, Meek parut à la porte de la maison fortifiée, où il résidait en qualité de châtelain, par égard pour son caractère public, à cause de la sûreté de ce lieu, et parce que ses habitudes studieuses lui permettaient de remplir sa charge avec moins de travaux qu’il n’en aurait coûté au village si cet office de confiance avait été donné à un homme d’habitudes plus actives. Sa compagne le suivait, mais à une distance plus grande encore que celle qu’affectaient les autres femmes, comme si elle eût éprouvé le besoin de détourner d’un homme dont la profession était si sacrée toute réflexion qui ne s’accordait pas avec la pureté de cette profession. Neuf enfants de différents âges et une servante trop jeune encore pour être mère elle-même composaient la maison du ministre. La présence de tous les paroissiens était une preuve de la salubrité de la vallée, car la maladie seule était regardée comme une excuse suffisante pour s’absenter du service divin. Au moment où cette petite troupe sortait des palissades, une femme, dont les joues pâles attestaient les effets d’une indisposition récente, tenait sa porte ouverte pour laisser