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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/275

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position, Dudley commença à jeter des regards incertains autour de lui ; il vit qu’il ne pourrait espérer de secours, et s’aperçut aussi avec chagrin que beaucoup de femmes et d’enfants étaient encore occupés à transporter les meubles nécessaires du village dans le fort ; reculant vers un point où se trouvaient de plus sûrs abris, et à une distance qui diminuait le danger des flèches, armes ordinaires des deux tiers de l’ennemi, il attendit en silence le moment convenable à sa retraite.

Pendant que la troupe de Dudley prenait ce repos, forcé, un cri féroce retentit dans la forêt ; c’était une exclamation de plaisir ; on eût dit que les habitants des bois étaient animés d’une joie soudaine et générale. Les combattants regardèrent autour d’eux avec inquiétude, mais ne voyant aucun signe d’hésitation dans le maintien calme de leur chef, chaque homme se tint tranquille dans sa retraite, attendant quelque nouvelle manifestation des desseins de leurs ennemis. Avant qu’une minute se fût écoulée, deux guerriers parurent aux bords de la forêt ; ils semblaient contempler les différentes scènes qui avaient lieu dans la vallée. Plus d’un mousquet se leva pour les coucher en joue ; mais un signe de Dudley prévint une tentative qui eût été probablement sans succès, la vigilance de l’Indien de l’Amérique du Nord ne sommeillant jamais.

Il y avait néanmoins dans l’air et le port des deux Indiens quelque chose qui produisit en partie la défense de Dudley. C’étaient deux chefs, suivant toute apparence, et plus respectés encore qu’ils ne le sont ordinairement ; ils étaient d’une haute taille, comme il est ordinaire parmi les chefs guerriers des Indiens. À la distance où ils étaient aperçus, l’un paraissait avoir atteint le milieu de la vie, tandis que l’autre avait le pas plus léger et les mouvements plus flexibles de la jeunesse. Tous les deux étaient bien armés, et, suivant l’usage des hommes de leur race qui sont sur le sentier de la guerre, ils étaient seulement revêtus de l’étroite ceinture et des brodequins. Ces légers vêtements étaient écarlate chez le premier, et chez le second ils étaient riches de franges et des brillantes couleurs des ornements indiens. Le plus âgé portait autour de sa tête un wampum[1] en forme de turban. Le plus jeune avait la tête rasée, sur laquelle on ne voyait que la mèche chevaleresque et habituelle des sauvages.

  1. Bandeau de coquillages, qui sert aussi de monnaie. Voyez les notes des Pionniers et des Mohicans.