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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/286

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la soif de vengeance qui accompagne ordinairement leurs triomphes, les Indiens erraient au milieu des bâtiments et dans les terres environnantes dans un sombre silence qui prouvait leur soumission.

Les principaux chefs de l’incursion, et les chrétiens qui avaient survécu à leur défaite, étaient rassemblés sous le portique de la maison. Ruth, pâle, souffrante, affligée plutôt pour les autres que pour elle-même, était un peu à l’écart, soutenue par Marthe et la jeune servante que la fatalité avait retenue à la maison dans ce jour de désastre. Content, l’étranger et Mark étaient à quelque distance ; leurs mains étaient liées. Seuls ils avaient survécu à toute cette troupe qu’ils avaient si récemment conduite au combat. Les cheveux blancs et les infirmités du Puritain lui épargnèrent la même humiliation. Le seul être d’origine européenne qui fût encore présent, était Whittal Ring. Cet idiot marchait lentement au milieu des prisonniers ; quelquefois d’anciens souvenirs et une espèce de sympathie aux souffrances de ses compatriotes animaient ses traits ; plus souvent il tourmentait les malheureux captifs, leur reprochant l’injustice de leur race envers son peuple adoptif.

Les chefs du parti victorieux étaient assis au centre du portique, engagés, suivant toute apparence, dans de graves délibérations. Comme ce conseil était peu nombreux, il était évident que les hommes d’une haute importance pouvaient seuls y être admis. Les chefs d’un rang inférieur, mais d’un grand nom dans les limites bornées de ces simples tribus, conversaient par groupes au milieu des arbres, ou marchaient dans la cour à une distance respectueuse du conseil de leurs supérieurs.

L’œil le moins exercé eût reconnu facilement celui sur lequel le poids de toute l’autorité était tombé. Le guerrier couvert d’un turban, dont nous avons déjà parlé, occupait le centre du groupe dans l’attitude calme et digne d’un Indien qui écoute ou qui donne des avis. Son fusil était porté par un des gens de sa suite, mais son couteau et sa hache ornaient sa ceinture. Il avait jeté une légère couverture, ou, comme on pourrait plus justement l’appeler, une robe de drap écarlate sur son épaule gauche, d’où elle tombait avec grâce en draperie, laissant le bras droit entièrement libre, et une partie de sa large poitrine exposée aux regards ; de dessous ce manteau le sang coulait lentement goutte à goutte, teignant le plancher sur lequel le chef était debout. La contenance