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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/294

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pour livrer passage au jeune homme, proclamèrent par leur respect que le mérite ou la naissance, ou peut-être l’un et l’autre, le rendaient l’objet d’une distinction personnelle qui surpassait celle qu’on montrait en général aux hommes de son âge. Les deux chefs quittèrent le portique avec la légèreté d’un pied chaussé par le moccasin.

La marche de ces graves guerriers vers un terrain qui se trouvait sur le derrière de la maison mérite d’être rapportée, parce qu’elle caractérise leurs habitudes.

L’un et l’autre gardèrent le silence ; aucun d’eux ne témoigna la moindre impatience de pénétrer dans les pensées de son compagnon ; et ils ne manquèrent ni l’un ni l’autre à ces légères attentions de politesse qui rendaient le chemin plus commode et le pied plus sûr. Ils avaient atteint le sommet de l’élévation que nous avons si souvent nommée avant de se croire assez éloignés pour commencer un discours qui ne devait point frapper de profanes oreilles. Lorsqu’ils furent sous le verger odoriférant qui croissait sur la montagne, le plus âgé s’arrêta, et jetant autour de lui un de ces regards prompts et presque imperceptibles par lesquels un Indien ne manque jamais de reconnaître sa position, comme si c’était par instinct, il prit la parole. Leur discours eut lieu dans le dialecte de leur race. Mais comme il n’est pas probable que beaucoup de personnes parmi celles qui liront cette histoire pussent le comprendre si nous avions recours au langage dans lequel il nous a été transmis, nous essaierons de le traduire en anglais aussi littéralement que le sujet l’exige, et que le génie des deux langues pourra le permettre.

— Que veut avoir mon frère ? dit le plus âgé, prononçant ces paroles d’une voix basse, et d’un ton amical et même affectueux ; qu’est-ce qui trouble le grand sachem des Narragansetts ? Son esprit semble inquiet. Je crois qu’il se montre devant ses yeux des choses que ne peut apercevoir celui dont la vue commence à être fatiguée. Contemple-t-il l’esprit du brave Miantonimoh, qui mourut comme un chien sous les coups des lâches Pequots et des Yengeeses menteurs ? ou bien son cœur se gonfle-t-il par l’impatience de voir les chevelures des traîtres visages pâles pendues à sa ceinture ? Parle, mon fils, la hache est depuis longtemps enterrée dans le sentier entre nos villages, et tes paroles entreront dans les oreilles d’un ami.

— Je ne vois point l’esprit de mon père, répondit le jeune