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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/308

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Depuis, le vent de bien des hivers a soufflé sur toi : ne penses-tu jamais à la chaleur et aux repas de la hutte dans laquelle tu as passé tant de saisons ?

— Le wigwam de Conanchet est chaud ; aucune femme de la tribu n’a autant de fourrures que Narra-Mattah !

— Il est un grand chasseur ! Lorsqu’ils entendent son moccasin, les castors se couchent pour qu’il les tue ! Mais les hommes aux visages pâles tiennent la charrue. Blanche-Neige ne se rappelle-t-elle pas ceux qui protégeaient la maison de son père contre le froid, ou la manière dont vivent les Yengeeses ?

La jeune et attentive compagne de Conanchet sembla réfléchir ; puis, levant son visage avec une expression de contentement qui ne pouvait être feinte, elle secoua la tête d’une manière négative.

— Ne voit-elle jamais un grand feu allumé dans les huttes, ou n’entend-elle pas le cri des guerriers qui envahissent une plantation ?

— Bien des feux ont été allumés devant ses yeux ; les cendres des villes des Narragansetts ne sont pas encore froides.

— Narra-Mattah n’entend-elle pas son père parler au Dieu des Yengeeses ? Écoute, il prie pour son enfant.

— Le Grand-Esprit des Narragansetts a des oreilles pour son peuple.

— Mais j’entends une voix plus douce ! C’est une femme des visages pâles parmi ses enfants ; sa fille ne l’entend-elle pas ?

Narra-Mattah ou Blanche-Neige posa légèrement sa main sur le bras du chef ; elle le regarda en face attentivement avant de lui répondre. Ce regard semblait redouter la colère qu’elle pouvait exciter par ce qu’elle allait révéler :

— Chef de mon peuple, dit-elle ; encouragée par le visage doux et calme de Conanchet, ce qu’une fille des plantations voit dans ses songes ne doit point être caché. Ce n’est point aux huttes de sa race qu’elle pense, car le Wigwam de son mari est un asile plus chaud pour elle ; ce n’est point à la nourriture et aux vêtements d’un peuple astucieux, car qui est plus riche que la femme d’un grand chef ? ce ne sont point les prières de ses pères à leur Esprit qu’elle entend, car il n’y en a pas de plus fort que Manitou. Narra-Mattah à tout oublié, elle n’aime pas à penser à des choses semblables. Elle sait comment elle doit haïr une race avide et affamée, mais elle voit un être que les épouses des Nar-