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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/317

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Sur un point de la montagne d’où l’on découvrait la vue la plus étendue de la vallée, le roc présentait l’apparence la plus confuse ; la plus sauvage, et par conséquent la plus favorable pour la construction d’une résidence qui eût échappé à l’œil curieux des planteurs, en même temps qu’elle possédait l’avantage de dominer sur leurs demeures. Un ermite eût choisi ce lieu comme convenable par son éloignement pour observer le monde avec calme, en même temps qu’il était propre à la solitude et aux méditations d’une dévotion ascétique. Tous ceux qui ont traversé les vignobles et les prairies baignées par le Rhône avant qu’il paie son tribut au lac Léman ont vu un site semblable suspendu au-dessus du village de Saint-Maurice, dans un canton du Valais, et occupé par un ermite qui a voué sa vie à la solitude et à la prière. Mais il y a quelque chose d’apparent dans l’ermitage suisse, bien opposé à l’aspect de celui de la plantation : l’un est placé sur le bord d’un roc droit et élevé, comme pour montrer au monde qu’on peut adorer Dieu jusque sur l’espace le plus circonscrit et le plus dangereux ; l’autre offre en même temps une retraite solitaire et cachée à tous les yeux. Une petite butte avait été élevée contre le rocher ; de manière à présenter un angle oblique ; on avait pris soin de l’entourer d’objets naturels ; afin de déguiser son caractère véritable à tous ceux que le hasard amènerait près des lieux dangereux où elle était placée. La lumière entrait dans cette humble retraite par une fenêtre qui donnait sur le ravin, et une porte basse s’ouvrait du côté de la vallée. La construction était en partie de pierres et en partie de troncs d’arbres ; la couverture était en chaume, et la cheminée était fermée par de petits morceaux de bois et un grossier ciment de terre.

Un homme qui, par son regard sévère et ses traits sombres, semblait un digne habitant d’une retraite si solitaire, était assis pendant cette soirée sur une pierre, à l’angle le plus saillant de la montagne, et dans un lieu d’où l’œil pouvait embrasser la vue la plus tendue de la vallée et des habitations. On avait roulé des pierres les unes contre les autres afin de former une espèce de petite fortifications ; et si le hasard avait attiré quelques regards errants sur la montagne, il est peu probable qu’ils eussent découvert la présence d’un homme dont la taille, à l’exception de la partie supérieure du corps, était entièrement cachée.

Il eût été difficile d’assurer si le solitaire s’était ainsi placé pour communiquer d’imagination avec les habitants de la vallée,