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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/324

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ment de Bélial, qui gouverne maintenant un riche et puissant royaume.

— Mon père a pris la chevelure du grand chef ?

— J’ai aidé à faire tomber sa tête ! reprit le solitaire en même temps qu’un sourire amer se montrait sur ses lèvres, et qu’un regard brillant de satisfaction animait l’austérité de ses traits.

— Viens. L’aigle vole au-dessus des nuages, afin de pouvoir agiter librement ses ailes. La panthère fait des bonds plus allongés dans les plaines les plus vastes. Les plus gros poissons nagent dans l’eau la plus profonde. Mon père ne peut pas s’étendre au milieu de ses rochers. Il est trop grand pour se reposer dans un petit wigwam. Les bois sont immenses. Qu’il change la couleur de sa peau, et devienne une tête grise au feu du conseil de ma nation. Les guerriers écouteront ses paroles, car sa main a fait une action valeureuse !

— Cela ne peut pas être, cela ne peut pas être, Narragansett. Celui qui a été engendré dans l’esprit doit demeurer, et il serait plus facile à un nègre de devenir blanc, ou au léopard de changer sa peau tachetée, qu’il ne le serait à celui qui a senti le pouvoir du Seigneur de rejeter ses dons. Mais je te pardonne cette proposition, et je la regarde comme une preuve de ton amitié. Mes pensées sont toujours avec mon peuple. Cependant il s’y trouve une place pour d’autres affections. Romps cette ligue avec l’artificieux et turbulent Philippe, et que la hache soit à jamais enterrée dans le sentier entre ton village et les villes des Yengeeses.

— Où est mon village ? Il y a un point sombre près des îles sur les terres du grand Lac ; mais je ne vois point de huttes.

— Nous rebâtirons tes villes, et nous les peuplerons de nouveau. Que la paix soit entre nous.

— Mes pensées sont toujours avec mon peuple ! répondit l’Indien en répétant les paroles du solitaire avec une emphase à laquelle on ne pouvait pas se méprendre.

Un long et mélancolique silence succéda. Et lorsque l’entretien fut repris, il eut rapport aux événements qui s’étaient passés depuis le temps où les deux amis habitaient ensemble la forteresse qui était élevée au milieu de l’ancienne habitation de la famille Heathcote. L’un et l’autre parurent trop bien comprendre leur caractère réciproque pour faire de nouvelles tentatives, et les ténèbres couvrirent la montagne avant qu’ils songeassent à rentrer dans la hutte solitaire.