Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venaient de loin. Le Narragansett mangea moins que son compagnon, car il paraissait accablé d’un chagrin bien plus pénible à supporter que la fatigue du corps. Cependant son extérieur était calme ; pendant ce repas silencieux, il conservait l’air digne d’un guerrier, et il eût été difficile de deviner les souffrances de son cœur. Lorsque leur faim fut apaisée, ils se levèrent l’un et l’autre, et continuèrent leur route à travers le sentier de la forêt. Pendant une heure, les deux voyageurs marchèrent avec vitesse, et leur course ne fut interrompue par aucune observation, par aucune pause. Alors le pas de Conanchet commença à se ralentir ; et ses yeux, au lieu de conserver une direction fixe, errèrent avec quelque apparence d’indécision.

— Tu as perdu les signes secrets qui te guidaient à travers le bois, dit le vieillard ; les arbres se ressemblent, et je ne vois aucune différence dans les productions de cette nature sauvage. Si tu te trouves réellement en défaut, nous pouvons désespérer de notre projet.

— Voilà le nid de l’aigle, répondit Conanchet montrant l’objet qu’il nommait, perché sur le sommet blanchi d’un pin mort, et mon père peut voir ce chêne qui est l’arbre du conseil ; mais il n’y a pas de Wampanoags !

— Il y a bien des aigles dans cette forêt, et ce chêne a sans doute bien des semblables. Ton œil a été trompé, sachem, et quelque fausse trace nous a égarés.

Conanchet regarda attentivement son compagnon, et répondit ensuite avec calme :

— Mon père s’est-il jamais trompé de chemin en allant de son wigwam au lieu où il contemple la maison de son Grand-Esprit ?

— Ce sentier est bien différent, Narragansett ; mon pied a usé le roc par ses pas fréquents, et la distance était bien courte. Mais nous avons voyagé pendant des lieues dans cette forêt, nous avons traversé des ruisseaux et des montagnes, des fougères et des marais, où il était impossible à l’œil humain de découvrir le plus petit signe de la présence de l’homme.

— Mon père est âgé, dit l’Indien avec respect, son œil n’est pas aussi vif que lorsqu’il prit la chevelure d’un grand chef, ou bien il verrait l’empreinte du moccasin : vois, ajouta-t-il en faisant observer à son compagnon la marque d’un pied humain que les feuilles qui le couvraient à moitié rendaient à peine visible,