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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/350

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parfum de la prière s’élève au milieu du désert. Sa volonté est une loi, et c’est en vain qu’on veut y résister. Écoute donc de paisibles conseils : que la terre soit partagée avec justice pour les besoins de tous, et que le pays soit préparé pour recevoir l’encens de l’autel.

Cette exhortation fut prononcée d’une voix haute et solennelle, et avec une exaltation qui était sans doute augmentée par les méditations du vieillard dans sa solitude, et les scènes terribles dont il avait été si récemment un des acteurs. Philippe écoutait avec la politesse d’un prince indien. Quelque inintelligible que fût pour lui le discours de l’orateur, son maintien ne trahit aucune impatience ; on ne vit point sur ses lèvres de sourire moqueur. Au contraire, une gravité noble régnait sur ses traits ; et, bien qu’ignorant ce que le vieillard voulait dire, son œil attentif et sa tête courbée indiquaient son désir de comprendre.

— Mon pâle ami a parlé très sagement, dit-il, mais il ne voit pas clairement dans les forêts, il est assis trop dans l’ombre. Son œil voit mieux dans un défrichement. Metacom n’est point une bête féroce, ses griffes sont usées, ses pieds sont las à force de voyager ; il ne peut pas sauter loin. Mon pâle ami veut partager la terre. Pourquoi demander au Grand-Esprit de faire deux fois son ouvrage ? Il donna aux Wampanoags leurs terres de chasse et leurs places sur le lac salé afin qu’ils pussent pêcher des poissons, et il n’oublia pas ses enfants les Narragansetts ; il les mit au milieu des eaux, parce qu’il vit qu’ils pouvaient nager. A-t-il oublié les Yengeeses, ou les a-t-ils placés dans un marais dans lequel ils seraient changés en grenouilles et en lézards ?

— Païen, ma voix ne niera jamais les bontés de mon Dieu : sa main avait placé mes pères dans une terre fertile, riche dans les choses de ce monde, et heureuse dans sa position ; elle est imprenable, car la mer lui sert de ceinture : heureux ceux qui ne trouvent point de scrupule à demeurer dans ses limites !

Une gourde vide était posée sur le roc à côté de Metacom. Le chef se pencha au-dessus du torrent, la remplit d’eau jusqu’au bord, et la tint devant les yeux de ses compagnons.

— Vois, dit-il en montrant la surface unie de l’eau ; le Grand-Esprit a dit : « Elle en contiendra autant, et pas davantage. » Maintenant, ajouta-t-il en remplissant d’eau le creux de son autre main, et la vidant dans la gourde, maintenant mon frère voit qu’une certaine quantité doit en sortir ; il en est ainsi de ton