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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/356

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enfermé dans une cage comme un ours ; il lui apprit à parler avec la langue d’un Yengeese.

— Nous avons passé ensemble des mois entiers dans notre prison, chef, et il faut qu’Apollyon ait été bien fort dans ton cœur pour avoir résisté aux sollicitations de l’amitié dans une semblable position. Mais cependant mes soins et ma confiance furent récompensés ; car, sans tes insinuations mystérieuses, provenant des signes que tu avais découverts pendant la chasse, — il n’aurait pas été en mon pouvoir d’avertir mes amis, la nuit malheureuse de l’incendie, que la tribu allait les attaquer. Narragansett, nous nous sommes mutuellement rendu des services, et je dois avouer que ce que tu fais maintenant pour moi n’est pas la moins précieuse de tes faveurs. Quoique mon sang soit blanc et que je sois d’origine chrétienne, je puis presque dire que mon cœur est Indien.

— Alors meurs comme un Indien ! dit une voix forte qui se fit entendre à vingt pas du ruisseau.

Ces paroles menaçantes furent suivies d’un coup de fusil, et Soumission tomba. Conanchet jeta son mousquet dans l’eau pour aller relever son compagnon.

— J’ai seulement glissé sur les pierres du ruisseau, dit le vieillard ; cette décharge a manqué m’être fatale ; mais Dieu, dont les desseins sont secrets, a détourné le coup.

Conanchet ne répondit pas. Saisissant son fusil, qui était tombé au fond du ruisseau, il entraîna son ami sur la terre et s’enfonça avec lui dans la forêt. Là, ils furent pendant un instant protégés contre les balles, et Conanchet reconnut que les cris qui suivaient la décharge des mousquets étaient proférés par les Pequots et les Mohicans, tribus qui étaient en guerre avec la sienne. Cacher leur trace à ces sauvages, il ne fallait point l’espérer ; échapper par la fuite était une chose encore plus impossible au vieillard ; il n’y avait point de temps à perdre : dans un aussi pressant danger, les pensées d’un Indien prennent le caractère de l’instinct. Les fugitifs s’arrêtèrent au pied d’un jeune arbre dont la cime était entièrement cachée par des masses de feuilles appartenant aux buissons qui croissaient à l’entour. Le sachem aida Soumission à monter dans cet arbre ; et, sans expliquer son dessein, il quitta subitement le lieu, renversant les broussailles sur son passage, de manière à rendre les traces aussi visibles que possible.

L’expédient du fidèle Narragansett eut son plein succès ; il