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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/371

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— C’est le vent invisible, enfant frivole et idolâtre sous la forme d’un adulte.

— Et cependant mon père parle à cet enfant, reprit l’Indien avec l’ironie grave et mordante de sa nation. Vois, ajouta-t-il fièrement et même avec férocité, l’ombre a dépassé la racine de l’arbre. Que les hommes sages des visages pâles se mettent de côté, un sachem est prêt à mourir !

Meek poussa un gémissement causé par un chagrin réel ; car, malgré le voile que ses théories exaltées et des subtilités théologiques avaient étendu sur son jugement, son cœur était humain et sensible. Courbant son front sur les volontés mystérieuses de la Providence, il s’éloigna à une faible distance, et, s’agenouillant sur un roc, on entendit sa voix, pendant tout le temps de l’exécution, adresser au ciel de ferventes prières pour le salut de l’âme du condamné.

Le ministre ne se fut pas plus tôt retiré, qu’Uncas pria Dudley de s’approcher. Bien que le caractère de l’habitant des frontières fût aussi plein de bonté que d’honneur, ses opinions et ses principes appartenaient à l’époque où il vivait. S’il avait approuvé le jugement qui abandonnait Conanchet à la merci de son implacable ennemi, il avait du moins le mérite d’avoir suggéré l’expédient qui devait protéger la victime contre les raffinements de cruauté auxquels les sauvages n’étaient que trop portés à se livrer. Il s’était même volontairement offert à être un des témoins de la fidélité d’Uncas à tenir sa parole ; et, en agissant ainsi, il n’avait pas fait peu de violence à ses inclinations naturelles. Le lecteur jugera donc de sa conduite dans cette occasion avec l’indulgence qu’une juste appréciation de la condition du pays et des usages du siècle exigeront. Il y avait dans la contenance et sur les traits de ce témoin une expression de pitié bien favorable à la victime. Enfin, Ében Dudley rompit le silence, et s’adressa ainsi à Uncas :

— Un coup heureux de la fortune, Mohican, et peut-être l’assistance des blancs ont mis en ton pouvoir ce Narragansett. Il est certain que les commissaires de la colonie ont soumis son existence à ta volonté ; mais il y a une voix dans le cœur de tous les êtres humains, qui devrait être plus forte que la voix de la vengeance, c’est celle de la miséricorde. Il n’est pas encore trop tard pour l’écouter. Reçois la promesse du Narragansett pour gage de sa foi ; reçois plus encore, prends en otage cet enfant,