Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plutôt devoir être produite par une apathie et une faiblesse générales que par quelque convulsion violente.

Le pouls battait encore, mais il était lourd et semblable aux mouvements irréguliers du moulin lorsque le vent cesse d’agiter ses ailes. Ses yeux étaient fixes et empreints d’une angoisse déchirante. Le visage était sans couleur, et les lèvres elles-mêmes avaient cette nuance qui ne semble point appartenir à la nature, et qu’offrent les figures de cire. Les membres étaient sans mouvement, mais de temps en temps le jeu des traits de Narra-Mattah semblait prouver qu’elle n’avait pas perdu le sentiment de son malheur, et qu’elle conservait un pénible souvenir de sa réalité.

— Ceci surpasse mon art, dit le docteur Ergot après avoir longtemps interrogé le pouls. Il y a dans la vie un mystère que les connaissances humaines n’ont pas encore découvert. Le cours du sang est quelquefois glacé d’une manière incompréhensible, et voici un cas qui confondrait les plus savants dans notre art, même dans les pays les plus civilisés. Ma destinée fut d’être souvent témoin d’une arrivée dans le monde, et j’ai peu vu mourir ; cependant je crois pouvoir prédire que cette jeune femme cessera d’exister avant que le nombre naturel de ses jours ait été rempli.

— Adressons des prières en faveur de l’âme qui ne mourra jamais, à celui qui dispose de tous les événements depuis le commencement du monde, dit Meek Wolfe en faisant signe à tous ceux qui l’entouraient de se joindre à lui pour prier.

Le ministre éleva la voix sous les arcades verdoyantes de la forêt, avec une éloquente et pieuse ardeur. Lorsque ce devoir solennel fut rempli, on donna de nouveaux soins à l’infortunée. Chacun s’aperçut avec la plus grande surprise que le sang animait de nouveau le visage de Narra-Mattah, et que ses yeux brillants exprimaient la douceur et la paix. Elle fit même signe qu’on la soulevât, afin qu’elle pût mieux voir ceux dont elle était entourée.

— Nous reconnais-tu ? demanda Ruth tremblante ; regarde tes amis, fille chérie et si longtemps pleurée ! celle qui t’implore est la même qui s’affligeait de tes douleurs d’enfance, qui se réjouissait de ton bonheur, et dont le cœur a senti si amèrement ta perte. Dans ce terrible moment, rappelle les leçons de ta jeunesse. Sans doute le Dieu qui t’a rendue à mes désirs, bien qu’il t’ait conduite par des voies mystérieuses et incompréhensibles,