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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/75

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militaires, n’eussent peut-être excité aucune observation, si leurs pourpoints, leurs chapeaux et leurs bottes n’eussent décelé qu’ils sacrifiaient aux habitudes de la mère-patrie plus qu’il n’était ordinaire parmi les natifs de ces régions. Personne ne traversait les forêts sans moyens de défense ; mais, d’un autre côté, aucun homme ne portait des armes d’une manière aussi mondaine, et avec tant de petites particularités qui trahissaient les caprices récents de la mode. Cependant, comme ils s’étaient annoncés comme étant officiers du roi, ceux qui devaient être principalement intéressés à connaître les motifs de leur visite attendirent patiemment le bon plaisir des étrangers pour apprendre quel devoir les appelait si loin de la demeure des hommes ; car, semblables aux premiers habitants du sol sur lequel ils vivaient, les religionnaires envisageaient la précipitation indiscrète comme une faiblesse indigne d’un homme. Pendant la première demi-heure aucune parole qui eût dévoilé le motif de leur arrivée à Wish-ton-Wish ne s’échappa des lèvres des étrangers. Le repas du matin se passa presque en silence ; et un des quatre militaires s’était levé sous prétexte d’aller voir s’il ne manquait rien aux chevaux, avant que celui qui paraissait le chef eût amené la conversation sur un sujet qui, par sa tendance politique, pouvait avoir une liaison éloignée avec le principal motif de son voyage dans la vallée solitaire.

— Les nouvelles de la faveur que nous accorde la bonté gracieuse du roi sont-elles déjà parvenues dans cette colonie ? demanda le principal personnage, dont l’air était plus martial que celui de ses compagnons, plus jeunes, mais qui, par son air d’assurance, paraissait être le second en autorité.

— À quelles faveurs tes paroles ont-elles rapport ? demanda le Puritain en jetant un regard sur son fils, sa fille, et sur les autres personnes de la maison, comme pour les avertir d’être prudentes.

— Je parle de la Charte royale[1], par laquelle les habitants des rives du Connecticut et ceux de la colonie de New-Haven ont la permission de s’unir en gouvernement, et qui leur accorde une grande liberté de conduite et de conscience.

— Un tel don était digne d’un roi : Charles l’a-t-il fait ?

— Oui, et bien des choses encore dignes d’un esprit royal et

  1. Le petit État de Connecticut, était dans l’origine, divisé en deux colonies, celle de New-Haven et de Connecticut. Elles furent réunies, il y a environ cent cinquante ans, sous les règlements d’une charte qui continua à les régir jusqu’en 1818.