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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/89

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croyaient voir sortir à chaque instant une troupe de cruels sauvages. Mais leur légèreté reparut lorsque la paix qui régnait dans la vallée leur eut rendu leur ancienne sécurité.

Le soir du troisième jour après l’arrivée des étrangers dans la plantation, celui qu’on appelait Hallam se hasarda pour la première fois hors de la poterne et se dirigea vers les bâtiments extérieurs. Son visage était moins préoccupé qu’il ne l’avait été jusque-là, et ses pas étaient assurés. Au lieu de porter comme il l’avait fait depuis son arrivée dans la vallée, une paire de lourds pistolets à sa ceinture, il avait mis de côté sa large épée, et offrait plutôt l’apparence d’un homme qui cherche ses aises que celle d’un soldat accablé du poids de tout un attirail guerrier, costume que jusqu’alors Hallam et ses compagnons avaient cru prudent de conserver. Il arrêtait tranquillement ses yeux sur les champs de la famille Heathcote qui réfléchissaient les doux et brillants rayons du soleil couchant ; il permettait même à ses regards de s’étendre jusqu’à cette immense forêt que son imagination peuplait naguère d’êtres si hideux et si féroces.

C’était l’heure à laquelle se terminent tous les travaux champêtres. Parmi ceux qui étaient occupés hors de la maison dans ce moment d’activité, était une servante de Ruth, dont la voix claire se faisait entendre dans une des étables, tantôt chantant d’un ton élevé un chant religieux, tantôt murmurant d’une manière à peine intelligible, tandis qu’elle était occupée à ravir à un animal favori le tribut qu’il donnait chaque soir à la laiterie de sa maîtresse. Les pas de l’étranger se dirigèrent comme par hasard vers le lieu où chantait la jeune fille, et comme s’il eût accordé autant d’admiration au troupeau qu’à tout autre objet.

— De quel oiseau as-tu reçu des leçons, ma jolie fille ? J’ai pris ta voix pour celle du plus doux chantre de tes bois, dit Hallam en s’appuyant avec indolence et d’un air de supériorité sur une des planches de l’enclos. On croirait entendre un rouge-gorge et un roitelet plutôt qu’une voix humaine s’élevant et s’abaissant dans une psalmodie quotidienne.

— Les oiseaux de nos forêts parlent rarement, répliqua la jeune fille, et celui d’entre eux qui a le plus à dire parle comme ceux qu’on appelle hommes, lorsqu’ils mettent leur esprit à la torture pour séduire l’oreille d’une fille de campagne.

— Et que peut dire cet oiseau ?

— Il se moque.