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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/99

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manière un peu irrévérencieuse l’essai du Puritain, le païen avait déjà repris ses brodequins de peau et sa ceinture peinte, quoique le capitaine eût tenté d’attacher les vêtements sur son corps par la vertu d’une prière qui aurait pu couvrir la nudité d’une tribu tout entière. Enfin, le résultat de cette expérience fut, comme celui de beaucoup d’autres, la preuve de la difficulté qui existe à plier un homme accoutumé à l’aisance de la liberté sauvage, sous le joug d’une existence qu’on estime bien supérieure à la sienne. Dans toutes les occasions où le jeune Indien avait la liberté du choix, il rejetait avec dédain les coutumes des blancs, et suivait avec une obstination étrange et presque héroïque les usages de sa nation.

Le jeune captif était surveillé avec une grande vigilance. Un jour qu’on lui avait permis de se promener dans les champs, il essaya ouvertement de s’échapper, et on ne parvint à s’emparer de nouveau de sa personne qu’en mettant l’agilité d’Ében Dudley et de Reuben Ring à la plus sévère épreuve qu’elle eût jusqu’alors subie, de l’aveu des vigoureux serviteurs eux-mêmes. Depuis ce moment, il ne fut plus permis au jeune Indien de dépasser les palissades. Lorsque le travail appelait aux champs, l’Indien était ordinairement renfermé dans sa prison, où, comme une compensation de sa captivité, on supposait qu’il jouissait d’une société intime avec le vieux capitaine, qui avait l’habitude de passer plusieurs heures de la journée, et souvent une grande partie de la nuit, dans l’intérieur de la forteresse. Lorsque les portes étaient fermées, ou lorsque quelques serviteurs d’une force et d’une activité suffisantes pour s’opposer à son évasion étaient présents, l’Indien avait la permission d’errer parmi les divers bâtiments de l’habitation. Le jeune captif ne manquait jamais de profiter de cette liberté, mais d’une manière qui excitait péniblement la sensibilité de Ruth.

Au lieu de se joindre aux jeux des autres enfants, le jeune Indien restait seul ; il regardait leurs amusements d’un œil distrait, ou, s’approchant des palissades, il passait quelquefois des heures entières les yeux fixés sur ces forêts immenses où il avait reçu la vie, et qui contenaient probablement tout ce que ses simples pensées estimaient le plus dans le monde. Ruth, touchée de cette douleur expressive et silencieuse, essayait en vain de gagner sa confiance et de lui enseigner des occupations qui auraient pu distraire son chagrin ; mais le jeune obstiné rejetait tout ce qui,