Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t3, 1888.djvu/35

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Mais le temps passe. Encore un équinoxe affreux !
Et les marins du port, un jour, causant entre eux,
Tout comme l’an dernier, sur la mer en délire,
Viennent de signaler un malheureux navire,
— Un brick, cette fois-ci, ― qui touche le récif.
A chaque lame, il fait ce sursaut convulsif
Qu’on pourrait appeler le râle du naufrage.
 
— Un canot à la mer ! des hommes de courage !
Dit quelqu’un. Aucun n’a pu, certe, oublier
Les camarades morts de l’automne dernier.
Mais voilà qu’on entoure une barque et qu’on l’arme,
La mère de Tiennot est là, pleine d’alarme,
Elle étreint son garçon et lui redit tout bas :
— Tu sais, tu me l’as bien promis… tu n’iras pas !
Et, les yeux dilatés et se mordant la bouche,
L’enfant ne répond rien et regarde farouche,
Les braves compagnons qui parent le bateau.
Tout à coup, une lourde et sombre masse d’eau
S’écroule avec fracas, couvrant tout de sa bave,
Et devant l’orphelin elle jette une épave,
Une planche pourrie et rongée où l’enfant
A déjà distingué ces deux mots : En avant !
L’Atlantique a tiré du fond de son repaire
Ce débris de bateau. C’est un ordre du père !