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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t4, 1909.djvu/124

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Cet avocat véreux ? ce médecin raté ?
Quand j’y songe, le choix me paraît difficile.
L’un est une canaille, et l’autre un imbécile.
Mais il faut t’obéir, suffrage universel !
Je dois un bulletin à cette boîte à sel
Que le Français, épris du tragique cothurne
Et du style pompier, appelle encore une urne.
C’est plus aveugle et plus bête que le hasard ;
Mon suffrage est l’égal de celui d’un pochard.
Il vaudrait mieux jouer la chose à pile ou face.
Mais enfin c’est ainsi. Que faut-il que je fasse ?
Qui nommer ? L’avocat, format grand-colombier,
Se placarde en vert-pomme et rouge-caroubier,
Et le docteur salit des murailles entières
D’un nom jadis célèbre au fond des pissotières.
Pour qui voter ? Tous les journaux, si je m’abstiens,
Vont me ranger parmi les mauvais citoyens.
Lequel des candidats choisirai-je dimanche ?
En attendant, tous deux me tirent par la manche.
Je me sens raccroché, du matin jusqu’au soir,
Par leur prose publique et qui fait le trottoir,
— Oh ! quel dégoût ! ― et, sur chaque affiche pareille
A la fille de nuit qui vous parle à l’oreille
Et cherche à vous troubler d’un érotique émoi,
Je lis : « Bel électeur, veux-tu monter chez moi ? »