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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/196

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le maréchal de Richelieu en personne, alors extrêmement âgé et tombé dans la dévotion. La mère Bernu, qui se vantait d’avoir été jolie, avait eu le dernier sourire de Fronsac !

Ainsi je passais mes après-midi à écouter les belles histoires de maman Nunu ; puis à la tombée du jour nous revenions vers la rue Vanneau, où demeurait ma famille, et nous remontions nos cinq étages. Les grandes sœurs étaient de retour, et, riant de leur beau rire de jeunes filles, aidaient la mère à mettre le couvert. Puis le père revenait de son bureau, fatigué, courbé, pauvre homme d’esprit et de rêverie qui s’usait sur des paperasses ! Mais quand il avait embrassé tout son monde, son visage, son naïf et fin visage sans barbe, sous une brosse de cheveux gris d’argent, s’éclairait d’un heureux sourire. Il ôtait sa redingote, – cette redingote qui durait si longtemps ! – disait : « Ouf ! » en enfilant sa robe de chambre ; et, comme la soupière fumait déjà sur la table et que la mère Bernu la regardait du coin de l’œil, tout en faisant mine de s’en aller, il lui disait gaiement, avec sa générosité de pauvre et sa bonne grâce de gentilhomme :

« Asseyez-vous là, maman Nunu... vous dînerez avec nous. »