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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/308

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toujours, il était profondément troublé par d’autres désirs pleins de dangers pour l’inexpérience de ses vingt ans. Quand vint le printemps, il commença à chercher la solitude et erra d’abord devant l’entrée illuminée des bals de barrières, qu’il voyait franchir par les couples de fillettes en cheveux, se tenant par la taille et se parlant tout bas. Puis, un soir que les lilas embaumaient et que l’appel des quadrilles était plus entraînant, il franchit le seuil, et, dès lors, Jean-François le vit changer peu à peu de mœurs et de physionomie. Savinien devint plus coquet, plus dépensier ; souvent il empruntait à son ami sa misérable épargne, qu’il oubliait de lui rendre. Jean-François, se sentant abandonné, à la fois indulgent et jaloux, souffrait et se taisait. Il ne se croyait pas le droit d’adresser des reproches ; mais son amitié pénétrante avait de cruels, d’insurmontables pressentiments.

Un soir qu’il gravissait l’escalier de son garni, absorbé dans ses préoccupations, il entendit dans la chambre où il allait entrer un dialogue de voix irritées, parmi lesquelles il reconnut celle du vieil Auvergnat qui logeait avec lui et Savinien. Une ancienne habitude de méfiance le fit s’arrêter sur le palier, et il écouta pour connaître la cause de ce trouble.