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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/68

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par ce doux jeune homme, aux manières discrètes, à la voix pénétrante, qui avait de si jolies mains blanches faites pour les caresses et une expression de tendresse si mélancolique dans ses beaux yeux noirs. Il ne comprenait pas, l’innocent, quel chemin il avait fait déjà dans le cœur de la jeune femme ; mais il voyait pourtant que, dans leurs réunions intimes de la chambre du faubourg Saint-Jacques, elle perdait vite l’air triste et préoccupé qu’elle avait en arrivant, et que parfois même elle s’abandonnait à une aimable et gentille gaieté, qui rendait Gabriel bien heureux.

Tous les soirs, il lisait le Petit Journal aux deux amies : c’était maintenant une habitude pour tous les trois, et une occasion pour Mme Henry, qui depuis les premiers revers avait cessé d’être bonapartiste, de réclamer la République, la levée en masse et la victoire au chant de la Marseillaise. Gabriel aimait fort ces tirades patriotiques de la belle brune, non qu’il les écoutât, mais parce qu’il interrompait alors sa lecture et regardait longuement Eugénie. Quelquefois aussi, afin de prolonger la séance, il apportait un livre et, à la tartine quotidienne du journal, il ajoutait quelques pages de roman ou de poésie. C’est ainsi qu’il fit connaître