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Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/18

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l’habitude de la parole, quand un voyage en Suisse et en Savoie, qui lui révéla les grandes Alpes, exalta jusqu’à l’enivrement ses facultés poétiques. Il sentit sa pensée s’élever avec sa personne dans l’ascension des pics blancs déneige, et la vue des aigles qui passaient lui fit comprendre qu’il avait le grand coup d’aile. Il revint cependant, quelque temps encore, dans la sombre étude du quartier Saint-Jean où il feuilletait, d’un doigt distrait, les paperasses judiciaires ; mais, quand il en sortit, à la fin de son stage, quand il se décida à venir à Paris tenter la fortune de la publicité, il emportait une grande partie des Odes et Poèmes, des Poèmes évangéliques, et sa Psyché tout entière.

J’ai dit qu’il n’était pas un ambitieux. Rien en lui de ces grands hommes de province, si fortement dépeints par Balzac, dans sa Comédie humaine, qui se ruent sur Paris en berçant leurs rêves de domination au trot des lourdes diligences et jettent à l’énorme capitale, du haut de quelque mansarde de la montagne Sainte-Geneviève, le défi du conquérant. M. de Laprade, pour nous servir d’un mot qui aurait plu à son tempérament religieux, ne vient à Paris qu’en pèlerinage. Hadji littéraire, il foulera le sol de la Mecque intellectuelle ; mais, cette fois-ci comme les autres, il n’y fera qu’un séjour limité. Bientôt il repartira, non seulement pour se replonger dans la nature où il puise ses meilleures inspirations, mais aussi pour revoir sa patrie adoptive, cette ville de Lyon qu’il aime, qu’il préfère au tumultueux, au fiévreux Paris, cette ville de Lyon, grandiose et triste, un peu brumeuse aussi parfois, comme la pensée du poète, et que domine l’autel aérien de Notre-Dame-de-Fourvières ainsi que