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Page:Corbière - Le Négrier.djvu/509

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front, font place à des lueurs de joie et de folie ; leur attitude faible et gênée prend de l’assurance ; leurs jarrets, brisés par les roulis, de l’élasticité. Leurs yeux, plus vifs, errant sur tous les points de l’horizon, cherchent avec un instinct trompeur le rivage promis, presque toujours où il n’est pas. Le nuage qui s’élève devant eux est pris pour un mont, une île, un cap, que sais-je ; et le fantôme s’évanouit bientôt, pour faire place à d’autres ravissantes illusions. Nos aimables compagnons ne se sentaient pas d’aise : ils chantaient, sautaient, faisaient leur toilette, ouvraient, fermaient leurs malles à tout moment. C’était une nouvelle vie qui circulait dans leurs corps si long-temps abattus. La terre était devant eux. Les émotions pénibles,