M. Édouard Fournier a dit dans son Corneille à la butte Saint-Roch[1] :
Quand l’ouvrage applaudi courait par le royaume,
On le donnait à Rouen dans quelque jeu de paume :
Molière ainsi lui-même y joua le Menteur ;
mais le spirituel critique serait, je crois, bien embarrassé de prouver ce qu’avance ici le poëte[2].
Ce qui est plus certain, c’est que l’élève de Molière, Baron, jouait encore en mars 1724[3] le rôle de Dorante dans le Menteur, et qu’à cause de son âge avancé il faisait sourire en disant dans la première scène[4] :
Ne vois-tu rien en moi qui sente l’écolier[5] ?
Nous ne terminerons point ces remarques sur la manière dont le Menteur était représenté sans relever ce vers :
Votre feu père même est joué sous le masque[6].
On y voit la persistance jusqu’à cette époque d’un usage qui devait bientôt tomber en désuétude.
Tallemant des Réaux raconte une curieuse historiette qui montre à quel point le récit de la fête que Dorante prétend avoir donnée avait séduit l’imagination des femmes. Latour Roquelaure, « vrai parent de Roquelaure pour l’insolence, » était très-enclin à faire grand bruit de ses bonnes fortunes et
- ↑ Scène vi.
- ↑ Remarquons que la supposition très-légitime faite par l’auteur dramatique est devenue, dans un feuilleton du Moniteur du 11 juin 1862, une anecdote littéraire bien établie : « Quelques années avant, y est-il dit, il avait fait les honneurs de sa ville à Molière, lorsque ce dernier vint y jouer la comédie du Menteur.
- ↑ Molière et sa troupe, par M. Soleirol, p. 67.
- ↑ Vers 8.
- ↑ Lettre à Mylord*** sur Baron…, p. 5.
- ↑ La Suite du Menteur, acte I, scène iii, vers 291.
teurs fort complète, mais des plus invraisemblables, et où il n’est nullement tenu compte des indications fournies par Corneille lui-même : « La troupe royale mit au théâtre… une comédie nouvelle de Corneille intitulée le Menteur… Les acteurs furent : la Grange, la Thuillerie, de Villiers, Hauteroche, Poisson ; les actrices : les demoiselles Raisin, Angélique, Delagrange et Dennebaut. » (Folio 842 recto.)