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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/152

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le premier acte est dans les Tuileries, et le reste à la place Royale[1]. Celle de jour n’y est pas forcée, pourvu qu’on lui laisse les vingt et quatre heures[2] entières[3]. Quant à celle d’action, je ne sais s’il n’y a point quelque chose à dire, en ce que Dorante aime Clarice dans toute la pièce et épouse Lucrèce à la fin, qui par là ne répond pas à la protase. L’auteur espagnol lui donne ainsi le change pour punition de ses menteries, et le réduit à épouser par force cette Lucrèce qu’il n’aime point. Comme il se méprend toujours au nom, et croit que Clarice porte celui-là, il lui présente la main quand on lui a accordé l’autre, et dit hautement, quand on l’avertit de son erreur, que s’il s’est trompé au nom, il ne se trompe point à la personne. Sur quoi, le père de Lucrèce le menace de le tuer s’il n’épouse sa fille après l’avoir demandée et obtenue ; et le sien propre lui fait la même menace. Pour moi, j’ai trouvé cette manière de finir un peu dure, et cru qu’un mariage moins violenté seroit plus au goût de notre auditoire. C’est ce qui m’a obligé à lui donner une pente vers la personne de Lucrèce au cinquième acte, afin qu’après qu’il a reconnu sa méprise aux noms, il fasse de nécessité vertu de meilleure grâce, et que la comédie se termine avec pleine tranquillité de tous côtés.


  1. Déjà du temps de Corneille les différentes décorations faisaient reconnaître cette duplicité de lieu. Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 120.
  2. Var. (édit. de 1660) : les vingt-quatre heures.
  3. « Dans le Menteur, tout l’intervalle du troisième au quatrième vraisemblablement se consume à dormir par tous les acteurs ; leur repos n’empêche pas toutefois la continuité d’action entre ces deux actes, parce que ce troisième n’en a point de complète. Dorante le finit par le dessein de chercher des moyens de regagner l’esprit de Lucrèce ; et dès le commencement de l’autre il se présente pour tâcher de parler à quelqu’un de ses gens, et prendre l’occasion de l’entretenir elle-même si elle se montre. » (Discours des trois unités, tome I, p. 100.)