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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/287

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la pièce de Goldoni intitulée il Bugiardo[1]. Ce rapprochement n’est évidemment qu’une aimable flatterie, motivée par quelques relations de politesse qui s’étaient établies entre Voltaire et l’auteur italien. Les deux ouvrages diffèrent à un tel point l’un de l’autre par les circonstances de l’action, le genre, le ton, la manière, sans parler du talent, que toute comparaison est impossible. Pour montrer combien la distance est grande quant au genre et au ton, il nous suffira de dire que dans la comédie italienne, écrite en prose commune, le père du Menteur, le valet du Menteur, et un autre valet ou confident s’appellent Pantalone, Arlecchino et Brighella, noms de trois masques traditionnels, parlant tous le patois vénitien. Goldoni revendique à bon droit son originalité telle quelle dans un mot de préface, où, par un scrupule de délicatesse, il reconnaît d’une manière générale qu’il a fait quelques emprunts à la pièce française (il ne paraît pas avoir connu l’espagnole) : il a reproduit en effet les plaisantes inventions d’un mariage forcé, d’une femme enceinte, d’un adversaire tué en duel. Au lieu des tirades narratives, c’est en un menu dialogue qu’arrivent une à une toutes les fictions de ce Menteur. Les questions du bonhomme Pantalon en provoquent chaque circonstance successivement, et son jeu de scène devient ainsi le côté le plus plaisant du spectacle.

Du reste le tour honnête et assez sérieux des idées de Goldoni est marqué par son dénoûment. Le menteur Lélio, qu’il a rendu plus méprisable que séduisant, est à la fin chassé par la famille à laquelle il voulait s’allier, et rejeté par son père Pantalon Bisognosi, qui l’abandonne, en lui comptant sa légitime, aux poursuites d’une femme étrangère, qu’il a séduite et délaissée.

V.

    cette nouvelle erreur, et dans le même volume, p. 289 ; mais l’absence de toute date en sa faveur ne lui suffit pas pour renoncer à l’imputation de plagiat contre Corneille, et c’est ce dont nous aurons à parler au prochain volume.

    V.

  1. Le Menteur, le Hâbleur, représenté à Mantoue au printemps de 1750.