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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/308

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D’un coup que l’un allonge, il blesse l’autre à mort.
115Je me jette au blessé, je l’embrasse, et j’essaie
Pour arrêter son sang de lui bander sa plaie ;
L’autre, sans perdre temps en cet événement[1],
Saute sur mon cheval, le presse vivement,
Disparoît, et mettant à couvert le coupable,
120Me laisse auprès du mort faire le charitable.
Ce fut en cet état, les doigts de sang souillés,
Qu’au bruit de ce duel trois sergents éveillés,
Tous gonflés de l’espoir d’une bonne lippée,
Me découvrirent seul, et la main à l’épée.
125Lors, suivant du métier le serment solennel,
Mon argent fut pour eux le premier criminel ;
Et s’en étant saisis aux premières approches,
Ces messieurs pour prison lui donnèrent leurs poches,
Et moi, non sans couleur, encore qu’injustement,
130Je fus conduit par eux en cet appartement.
Qui te fait ainsi rire, et qu’est-ce que tu penses ?

CLITON.

Je trouve ici, Monsieur, beaucoup de circonstances :
Vous en avez sans doute un trésor infini ?
Votre hymen de Poitiers n’en fut pas mieux fourni ;
135Et le cheval surtout vaut, en cette rencontre[2],
Le pistolet ensemble, et l’épée, et la montre[3].

DORANTE.

Je me suis bien défait de ces traits d’écolier
Dont l’usage autrefois m’étoit si familier ;
Et maintenant, Cliton, je vis en honnête homme.

CLITON.

140Vous êtes amendé du voyage de Rome ;

  1. Var. L’autre, qui voit pour lui le séjour dangereux,
    Saute sur mon cheval, et lui donne des deux. (1645-56)
  2. Var. Et surtout le cheval, lui seul, en ce rencontre,
    Vaut et le pistolet, et l’épée, et la montre. (1645-56)
  3. Voyez ci-dessus, p. 175 et 176.